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Souvenirs de collégien… Là où tout a commencé

Souvenirs de collégien… Là où tout a commencé

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J’ai une photo que je garde jalousement. Elle a été prise le dernier jour des épreuves de l’Examen d’Etat à Kinshasa. Avec quelques camarades, nous sommes debout devant la grille d’entrée de notre école, le collège Bonsomi. A côté de moi, Davy Luemba, Nicolas Kayembe, Yvon Kapalu, Carlos Kondo et quelques autres amis de la promotion. Nous avons la mine défaite. Nous sommes fatigués. Nous venons de livrer la dernière bataille de notre vie scolaire. Eté 2004.

Le chapitre le plus important

Nous n’avions pas de doute. Nous allions réussir. Ce n’était pas de la prétention. Non. Mais de la confiance. Nous avions passé les dernières semaines à bûcher. Lire et relire nos notes. Dévorer les anciennes épreuves de l’Examen d’Etat. Et, le plus important, au cours de six précédentes années, nous avions été préparés, tels des athlètes, à affronter la compétition la plus importante. L’Examen d’Etat ne se prépare pas en dernière année. C’est l’aboutissement d’un cycle.

Aujourd’hui, 20 ans après, quand je regarde cette photo, je ne peux m’empêcher de penser que ce jour-là s’achevait le chapitre le plus important de ma vie. Tout ce qui est venu après a couronné le travail patient et exigeant d’hommes et de femmes qui m’ont appris l’essentiel.

Au collège Bonsomi, nous avions un règlement intérieur strict. Aucun écart n’était toléré. Il fallait arriver à l’école à temps. D’ailleurs, les collégiens sont réputés pour leur démarche au pas de course. Ce qu’il fallait arriver avant que ne se referme la porte d’entrée. Alors, on courait. «La ponctualité est la politesse des rois».

«La porte de l’école qui se referme à 7h30 qu’il pleuve ou qu’il vante. Voilà une image qui reste dans l’esprit d’un enfant  plus que tous les sermons paternels sur la nécessité d’être à l’heure», ai-je écrit dans «L’école, la bataille que nous ne pouvons pas perdre».

Vingt ans après, j’arrive au boulot une heure avant le début officiel du travail.

«Pourquoi tu arrives si tôt ?», m’a demandé mon ami Alain l’année passée.

Pour moi, c’est une éthique désormais. Arriver un peu plus tôt pour organiser sa journée. Définir les tâches prioritaires. Parer aux imprévus.

Quand nous étions au collège, il n’était pas rare de voir un camarade lire en cours de route. Les collégiens étaient même connus pour ça. Je détestais cette pratique. Je préférais arriver plus tôt à l’école pour réviser calmement.

Réviser. Car à Bonsomi, les interrogations, c’était quelque chose.

«A ma montre, il est…».

Quand on entendait cette phrase sortir de la bouche de Papa Mumpana, on savait ce qui allait se passer. Il fallait ranger son cahier de notes. Sortir son cahier d’interrogations de Maths. C’était le rituel du mercredi. Le rendez-vous à ne pas manquer. Il fallait être prêt.

Aujourd’hui, je souris quand j’entends mes collègues me dire qu’ils ont l’impression que je ne ressens jamais la pression. J’ai eu des enseignants si durs que tout ce qui est arrivé après à la faculté puis, dans le monde professionnel, c’est de la rigolade.

Evariste Mondo, Alain-Robert Landu Mampuya, Guillaume Nganzi, Proust Swedi, Papa Musimu, Fulgence Luvuezo, Sylvain Malongo, Mollah Matameso, Mananasi et tous les autres ont forgé en moi la conviction que le travail doit toujours être bien fait. Il faut tous les jours essayer de rendre la meilleure copie possible. Peu importe les circonstances extérieures. Peu importe les conditions de travail. Peu importe la fatigue. Il faut toujours essayer d’être le meilleur.

20 ans après…  

L’éducation jésuite est l’une des plus réputées au monde. Et cette réputation n’est pas volée. Dans les collèges jésuites, on tente de former les meilleurs élèves possibles.

On y apprend que la réussite ne peut être le fruit du hasard. Que tout se prépare.

A côté du football, du basketball et du volleyball, nous avions des compétitions interclasses de génies en herbe.

C’est là que j’ai entendu pour la première fois «Honolulu».

-Quelle est la capitale de l’Etat d’Hawaï ?

-Davy Luemba : Honolulu.

-Bonne réponse !

Je ne l’avais pas.

A mon retour à la maison, je me jette sur le gros dictionnaire des noms propres que papa nous avait acheté pour apprendre par cœur les capitales de tous les États américains.

C’était cela aussi le collège. Se donner les moyens d’être LE meilleur. Autant en salles de classe que sur les terrains de sport.

Mais nous n’avons jamais réussi à être meilleur que Kimbangu. Non. Elle était trop forte. Paola Kimbangu est cette camarade de classe qui, quoi que vous fassiez, sera toujours première de classe. Elle est actuellement médecin à Kinshasa.

Au collège Bonsomi, il n’y avait aucune différence entre filles et garçons.

Kimbangu, Bal Mayel, Kanyeba, Konko. Des filles brillantes que j’ai eu la chance de fréquenter et auprès de qui j’ai appris que pour ce qui est des compétences, filles et garçons, c’est pareil. Un peu plus tard, à la fac des Lettres, j’en rencontrerai d’autres tout aussi brillantes et pleines d’esprit : Christelle Lingenga, Yodith Mungala.

Cette année, je voudrais aller au collège Bonsomi. Passer une journée avec mes anciens enseignants. Leur dire MERCI. Je ne serai pas devenu l’homme que je suis s’ils n’avaient pas été sévères envers moi.

Leur sévérité n’était pas de la méchanceté. Ils tentaient, à leur façon, d’imprimer dans nos esprits l’idée que la liberté, ce n’est pas faire ce que l’on veut. Mais ce que l’on doit.

J’aimerais également me rendre au collège pour dire aux jeunes qui y sont de profiter au maximum de ce moment.

«Tous les adultes ont le même regret. On fait tous la même erreur. On va à l’école pour en sortir. Et quand on en sort, on se rend compte que ce n’était pas si mal, finalement. On referait tous le même parcours, autrement. En profitant de chaque journée», écrit très justement Stéphane Laporte dans sa «Lettre aux élèves».

Le collège, ce n’était pas si mal. Mieux. J’y ai passé les meilleurs moments de ma vie. On étudiait jusqu’à midi. A la pause, nous allions jouer au basket. Ensuite, nous mangions du pain, de la margarine et des arachides avant de rentrer en classe pour le «deuxième gong» jusqu’à 16h30.

Enfin, il fallait rentrer à la maison. A pied, pour la plupart d’entre nous. «Kingasani ya suka», Masina quartier 3, Masina sans fil, Masina Petro Congo. Certains camarades devaient faire de longues distances pour arriver à la maison.

Aujourd’hui, quand on en reparle, on en rit. Mais ce n’était pas facile.

Qui a dit que ça devait être facile ?

Aujourd’hui, nous sommes avocats, médecins, ingénieurs, etc. Et nous le devons à ces années où nous avons appris mieux qu’ailleurs que la réussite se construit à coups de travail, de volonté, d’audace, de courage et de talent.

Mais aussi que «la liberté se mérite par la préparation, par la prudence et par la discipline, c’est-à-dire par tout ce qui semble la restreindre et qui pourtant, systématiquement, la précède».

C’est cela aussi que je voudrais dire aux jeunes collégiens aujourd’hui. Peu importe d’où vous venez, vous avez la chance de forger votre propre destin. Et c’est sur ces bancs où nous avons, avant vous, usé nos fonds de culotte que ça commence.

Et au commencement de tout, il y a l’amour de la science et de la connaissance. Et la conviction que dans la vie, il ne faut jamais arrêter d’apprendre. Des autres. De la vie (de ses joies et de ses peines). De l’étranger. De l’inconnu. Des livres. Apprendre tous les jours. Pour reprendre le célèbre titre d’une excellente biographie consacrée à l’écrivaine Colette, être un «éternel apprenti».

4 comments

comments user
Cedrick

kiekieeee obosani Mavakala, Mayenikini , Bilongo , Akwety , Kudiva ,latini , Nsungu, Ngoma , kintumua, la fameuse Ngiesi et les autres . Tes premiers collegues. 

    comments user
    Joël Bofengo

    😂😂😂
    Cédric, tu m’as fait éclater de rire. Ça me rappelle beaucoup de souvenirs.

comments user
Aimé Kassa M.

Splendide! C’est cette formation qui nous a façonné, nous ne sommes pas identiques mais nous avons tous quelque chose que le collège nous a transmis…

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