Se préparer à la prochaine crise
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Les médias de Kinshasa ont annoncé pendant le week-end la hausse du prix de la baguette de pain dans la capitale congolaise.
«Cette baguette de pain vendue autrefois à 200 FC, est passée à 300 FC. Celle qui coûtait 300 FC se vend aujourd’hui à 500 FC. Et dans la matinée de ce week-end, la baguette de 500 FC est passée à 750 FC», a notamment relayé actualite.cd.
Sur le site Internet de Radio Okapi, on pouvait lire lundi matin l’avertissement du président du regroupement des sociétés pétrolières privées, Émery Mbantshi Bope sur une «inévitable» hausse du prix du carburant dans les prochains jours.
Mais dans d’autres villes du pays, la hausse du prix du carburant est déjà constatée. A Lubumbashi, dans les rares stations-services qui ont ouvert pendant le week-end, le prix du litre d’essence est passé de 2 495 à 3 000 francs congolais.
Auprès des revendeurs de carburant en détail qu’on affuble du surnom de «Kadhafi», le prix du litre d’essence est passé du simple au double. Un litre se vend actuellement à 4 500 voire 5000 francs congolais.
Un reporter de Radio Okapi a entendu un agent d’une station-service répondre aux automobilistes, qui l’interrogeaient sur les raisons de cette hausse de prix, d’aller poser la question au président russe Vladimir Poutine.
Sans avoir eu à aller poser des questions au dirigeant russe, le FMI a alerté il y a quelques semaines sur les dommages économiques «considérables» de la guerre en Ukraine où de nombreux ports maritimes et aéroports ont été fermés et les infrastructures détruites.
La Russie est l’un des principaux producteurs de pétrole. Avec l’Ukraine, le pays assure, en outre, près de 30% des exportations mondiales de blé. Dès le début de la guerre, tout le monde avait plus ou moins imaginé les conséquences de ce conflit sur l’économie mondiale.
Réserves stratégiques
Mais c’est un fait, certains pays seront plus affectés que d’autres. Ceux qui dépendent exclusivement des exportations russes et ukrainiennes seront les plus frappés. Ceux qui ne disposent pas de réserve stratégique de pétrole, par exemple, feront face à la pénurie plus vite que les autres.
Fin mars, on pouvait ainsi lire dans «Ouest France» que l’administration américaine envisage de libérer jusqu’à 180 millions de barils de sa réserve stratégique de pétrole sur plusieurs mois. La Maison blanche tente de faire baisser les prix du carburant.
J’ignore si le Congo dispose d’une réserve stratégique de pétrole. J’ai vu un tweetos interpeller directement le ministre des Hydrocarbures à ce sujet. Sans réponse.
Sur le site Internet de BFM TV, j’ai lu que la France en dispose depuis 1925. Mais ces réserves stratégiques sont devenues obligatoires en vertu d\’engagements pris par l’État français envers l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dont la France fait partie depuis 1992 mais aussi envers l\’Union européenne depuis 1968.
Ainsi donc, concrètement, environ 18 millions de tonnes, soit 90 jours d\’importation nette sont actuellement répartis sur le territoire pour pouvoir être disponibles rapidement.
Cela s’appelle : prévoir.
La paix sert à préparer la guerre
Par définition, la crise est inattendue. Et les crises comme celles du Coronavirus ou la guerre en Ukraine le sont encore plus. C’est pour cette raison qu’il faut se préparer à une crise quand elle n’est pas encore arrivée parce que dès qu’elle survient, on ne gère plus que l’urgence.
C’est vrai pour les hommes. Ça l’est également pour les États. Quand vous travaillez, vous faites des économies pour pouvoir vous en servir si, par malheur, il vous arrivait de perdre votre emploi.
C’est la même logique qui doit prévaloir pour les États. En temps de paix, vous vous équipez pour pouvoir être prêt lorsque surviendra une menace.
L’histoire des peuples et des nations est faite des drames. Nul ne peut les éviter. C’est une loi naturelle. Mais l’idée doit toujours être de se tenir prêt à réagir, économiquement, militairement. Et c’est en période faste que l’on se prépare pour la disette. En temps de paix, on se prépare pour la guerre.
Principes simples. Mais pas toujours intérioriser par des États comme le Congo.
Il n’y a pourtant pas si longtemps, nous étions frappés par le Coronavirus et toutes les contraintes qu’il nous a imposées. Comme souvent, les grandes déclarations ont été de sortie. Chacun annonçant que plus rien ne serait comme avant.
Mais comme je l’ai déjà écrit sur ce blog, les humains ont plutôt tendance à oublier les leçons d’une crise, une fois celle-ci derrière eux. C’est ce qui est arrivé.
La crise ukrainienne nous ramène encore face à nos contradictions. Congo, le pays où tout le sait mais personne ne fait.
«Crise permanente»
Dans «Guerre en Ukraine : les leçons du Coronavirus n’ont servi à rien», je rapportais les propos d’une politologue invitée il y a quelques semaines sur la chaîne française CNews et qui avait eu cette formule : «Nous sommes entrés dans l’époque de la crise permanente».
Après le Coronavirus et la guerre en Ukraine surviendra une autre crise, peut-être de plus grande ampleur. Un essai de missile nord-coréen qui ne prendrait pas la bonne direction. Un conflit entre la Chine et Taïwan qui obligerait d’autres États à intervenir. Une maladie non identifiable qui se répandrait rapidement dans une partie du monde. C’est tout de suite l’économie mondiale qui est paralysée.
C’est pour cette raison qu’il faut se préparer dès à présent à la prochaine crise.
On est bien d’accord qu’aucun pays ne peut se suffire. On a bien vu des grands pays s’apercevoir qu’ils ne disposaient pas de masques ou de gants en pleine pandémie de Coronavirus. Même pour des seringues, nous sommes dépendants d’une production qui doit venir de très loin.
L’idée n’est pas de tout produire. Cela n’a aucun sens. Mais plutôt d’être en capacité de produire. Pendant la seconde guerre mondiale, l’industrie automobile américaine s’est transformée en quelques semaines pour se mettre à produire du matériel de guerre.
Le Congo doit s’industrialiser. Mais pas d’industrie sans énergie. Le Congo doit produire les aliments que ses habitants consomment. Mais pas de production agricole sérieuse sans infrastructures sérieuses. On en est donc là.
Il nous faut faire les choses dans l’ordre. Quand vous analysez le budget du Congo en détail, vous vous rendez vite compte qu’aucun effort n’est fait pour inverser les mauvaises tendances qui caractérisent le pays. La première est celle qui nous conduit à dépenser ce que nous n’avons pas. Pour le moment, le pays mobilise peu de recettes internes. La sagesse voudrait que nous dépensions intelligemment le peu d’argent que nous mobilisons. Hélas ! La majeure partie de cet argent est utilisée pour le fonctionnement des institutions et les rémunérations. Moins des 10% des recettes mobilisées au pays sont dirigées vers les investissements.
N’attendons pas la prochaine crise pour en prendre conscience. Elle risque de nous être fatale.
Pour des raisons que personne ne connaît, la nature a été particulièrement généreuse avec notre pays. Tirons-en profit…avant que la prochaine crise ne nous surprenne encore.
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