Protéger les plus jeunes
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Dans un billet publié sur son blog, Jacques Attali suggère : «Et si on s’intéressait vraiment aux générations futures ?!»
«Dans la plupart des pays du monde, même les plus développés, sauf quelques très rares exceptions, constate l’économiste, on ne s’occupe que très mal des plus jeunes.»
S’intéresser aux plus jeunes, c’est notamment consacrer les moyens humains et financiers nécessaires pour leur formation. S’intéresser aux plus jeunes, c’est aussi leur proposer autre chose que ces écrans devenus par notre renoncement collectif, le «troisième parent». S’intéresser aux plus jeunes, c’est également s’assurer que nous allons leur laisser une planète en meilleur état.
Nous allons tous en convenir que, pour ce dernier point, nous sommes très loin du compte. Pour les deux premiers aussi. D’ailleurs les trois questions sont intimement liées. J’y reviendrai plus loin.
Mais il n’est pas faux de considérer que la catastrophe climatique qui s’annonce est la plus grande menace à laquelle l’humanité va devoir faire face.
Il faut donc préparer dès à présent les plus jeunes à pouvoir faire face aux défis de demain.
Jacques Attali nous prévient : «si on ne met pas les nouvelles générations en situation de découvrir leurs talents, de les faire s’épanouir, on n’aura pas, dans vingt ou trente ans, les ingénieurs, les savants, les chercheurs, les entrepreneurs, les innovateurs, les paysans, les médecins, les journalistes, les avocats, sans lesquels même les générations actuellement au pouvoir, ne pourront pas vivre une retraite décente, ni financièrement, ni socialement, ni écologiquement, ni démocratiquement».
Car, il ne faut pas l’oublier, s’occuper correctement des plus jeunes, c’est aussi pour nous que nous devons le faire.
Puisque nous serons un jour vieux, il vaudrait mieux, par exemple, que les enfants d’aujourd’hui soient suffisamment bien formés pour devenir les médecins qui s’occuperont de notre santé pendant nos vieux jours.
C’est de cela aussi qu’il s’agit. Trop souvent, nous l’oublions.
C’est une certitude. Grâce aux progrès de la science, nous vivrons plus longtemps. Autant mieux faire en sorte que la planète dans laquelle nous vieillirons soit en bon état.
Il est donc plus qu’impérieux pour les adultes d’aujourd’hui d’arrêter de réfléchir en termes des profits immédiats. Nous savons où se situe le problème : l’émission de gaz à effet de serre.
Nous devons construire une économie de plus en plus décarbonée.
Le 20 mars dernier, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a publié la synthèse de son sixième rapport d’évaluation.
Dans le document, le GIEC note que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont réchauffé le climat à un rythme sans précédent : la température de la surface du globe s’est élevée d’1,1 °C par rapport à la période pré-industrielle.
Les experts annoncent ainsi que les risques climatiques et non climatiques vont s’aggraver et se multiplier, ce qui rendra leur gestion plus complexe et difficile.
Quels sont ces risques ? Températures extrêmes, sècheresses sévères, accélération de la fonte du permafrost, précipitations extrêmes, etc.
Il nous faut réduire nettement nos émissions de CO2. Mais ça, nous le savons déjà.
Chaque pays doit faire sa part. Les gros pollueurs évidemment doivent donner l’exemple. Mais des pays moins pollueurs comme le Congo ne doivent pas regarder cette question au loin, estimant n’avoir rien à faire et se limitant à lancer des slogans sans vrai projet politique.
Pour un pays comme le Congo- peu industrialisé et manquant cruellement d’infrastructures, c’est surtout l’occasion de penser et de mettre en œuvre un autre modèle de développement. Nous ne pourrons pas nous industrialiser, en pensant pouvoir emprunter le même chemin que l’Europe, les Etats-Unis ou la Chine. Il est temps de penser autre chose. Penser un modèle le moins dépendant possible des énergies fossiles.
C’est là qu’interviennent les deux autres questions posées au début de ce billet : la formation et l’éducation des enfants.
Nous devons nous assurer que nous formons les plus jeunes aujourd’hui, en leur permettant d’acquérir suffisamment des connaissances scientifiques pour qu’ils trouvent dans la science les réponses au défi climatique. Quel type d’énergie doit-on développer ? Quel moyen de transport devons-nous privilégier ? Quel type d’habitat doit être mis en avant ?
Il est consternant de constater qu’un pays comme le Congo ne pense pas suffisamment à développer son réseau de transport ferroviaire. On parle de routes et d’avions. Mais presque jamais de trains. C’est pourtant un moyen de transport fiable, peu polluant et peu cher pour les usagers.
Mais intéresser les plus jeunes aux sciences et à la technologie ne se fera pas si nous ne nous assurons pas de la disponibilité de leur cerveau pour apprendre des choses utiles.
Comme le constate Jacques Attali, aujourd’hui, les enfants «ne sont pas protégés contre les écrans, qui devraient leur être interdits jusqu’à l’âge de six ans, alors qu’ils servent de plus en plus souvent de baby-sitter».
Le temps passé devant les écrans doit être régulé, en famille. Les contenus numériques à portée des enfants doivent être validés par les Etats, au travers des comités scientifiques, mis en place pour ce faire.
Le temps du laisser-faire a vécu. Il faut protéger les plus jeunes de la pollution numérique. Passer des heures devant des écrans pour regarder des challenges TikTok ou pour jouer aux jeux vidéo ne pourra faire d’eux que des étourdis, à la recherche permanente des loisirs (comme beaucoup de leurs ainés, d’ailleurs).
Il est plus que temps de mettre fin à cette «société de masse» qui, comme le souligne si justement Hannah Arendt, «ne veut pas de la culture, mais des loisirs».
Car c’est grâce à la culture que l’enfant apprend à dominer ses pulsions et intègre peu à peu la civilisation.
Il s’agit donc ici de faire des choix. Collectivement et individuellement. Quel monde souhaitons-nous laisser à nos enfants ? (On pourrait aussi la formuler comme ceci : dans quel monde souhaitons-nous vieillir ?).
Le conseil de Jacques Attali est fort à propos :
«Il est donc urgent de consacrer une part beaucoup plus importante du PIB à l’éducation au sens le plus large, et d’utiliser les fabuleux progrès que permettraient les nouvelles technologies, si elles étaient utilisées dans un sens conforme à l’intérêt de l’avenir, et pas, pour endormir, par des drogues ludiques, les colères des plus jeunes.»
Dans «L’urgence africaine», Kako Nubukpo plaide pour le développement d’une économie «arc-en-ciel». Et l’une des couleurs de cette économie est le vert.
L’«économie verte», écrit M. Nubukpo, «permet de mettre en exergue les adaptations, les changements de pratiques et de comportements indispensables à opérer dans nos modes de vie quotidiens, et ce en vue de préserver les écosystèmes naturels».
Dans les pays comme le Congo où la population va sensiblement augmenter dans les prochaines décennies, les questions liées au recyclage des déchets, à l’urbanisation et à la préservation des forêts vont se poser avec de plus en plus d’acuité. Il faudra trouver des réponses. Dès maintenant.
Cela passe évidemment par l’éducation et de la formation des jeunes. Comme le note Kako Nubukpo, «l’enjeu de l’éducation est crucial pour le continent africain et son traitement doit répondre à une méthodologie rigoureuse en fonction de l’analyse des besoins des populations nécessitant de réinjecter de la prospective pour être au rendez-vous des attentes de la jeunesse d’aujourd’hui et de demain.»
C’est comme cela que nous protègerons les générations futures de la décadence intellectuelle, de la catastrophe climatique et de la déchéance morale.
Illustration. Manifestation pour la défense de l’environnement à Londres. ©Kevin Snyman
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