Pour que «le mal ne l’emporte jamais»… Le conseil du pape François aux Congolais
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Hier, Radio Okapi a choisi le titre «l’ami de la RDC» pour parler du pape François et de sa disparition. C’est rare qu’un titre de presse soit à la fois beau et vrai. Le pape François était un ami du Congo. Il aimait ce pays et ses habitants qu’il portait souvent dans ses prières. Il s’informait sur ce qui s’y passe. Les massacres des civils, la situation politique, la guerre, la misère, etc.
Lors de sa visite à Kinshasa en 2023, François avait rencontré des victimes de ce que, paresseusement, nous avons convenu d’appeler «la guerre à l’Est».
«Je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance», avait déclaré le pape qui avaient écouté attentivement des récits des plus bouleversants d’hommes et de femmes qui vivent au quotidien ce qu’Hannah Arendt appelait «la banalité du mal».
Les problèmes du Congo préoccupaient le pape. En 2017, il avait dépêché au Kasaï le nonce apostolique alors que la région venait de connaître des violences d’une ampleur inouïe. J’avais couvert cette visite pour Radio Okapi. Avant de rentrer à Kinshasa, Mgr Luis Mariano Montemayor m’avait accordé une interview qui a ensuite été reprise par toute la presse.
«J’ai longuement parlé avec le Saint Père. Pensez que la dernière fois que nous nous sommes réunis, il était en train de recevoir Trump [le président américain, NDLR]. Mais, il m’a réservé une heure pour parler du Congo. C’est pour vous dire jusqu’à quel point il est intéressé [par la question]», m’avait alors confié Mgr Montemayor.
A l’annonce de la mort du pape François, de nombreux officiels et anonymes ont publié des photos de sa visite à Kinshasa et proclamé leur douleur.
Si le pape François était bien «l’ami du Congo», sommes-nous sûrs d’avoir été à la hauteur de son amitié ?
Un ami, on l’écoute. Sa parole est rare. Sa prière sincère. Ses conseils précieux.
A Kinshasa, François avait eu ces mots : «Le mal ne l’emporte jamais, il n’a jamais le dernier mot».
Alors qu’il n’est plus là, je vous convie à méditer cette phrase que nous avons peut-être oubliée mais qui resonne comme un appel.
Cette phrase n’est pas une prophétie ni une incantation. C’est un appel à l’action.
Contrairement au mal, le bien requiert nécessairement une action volontaire.
Si vous n’entretenez pas une route, elle va se détériorer.
Si vous ne curez pas vos rivières, elles seront remplies de déchets et vont vite déborder pour occasionner des inondations.
Si vous ne veillez pas à l’éducation de vos enfants, ils vont se perdre.
Ne rien faire, c’est faire le mal.
Pour que donc «le mal ne l’emporte jamais», il faut faire le bien. C’est cela le message du pape François. Il l’a adressé à chacun d’entre nous.
Sans engagement, le Congo n’ira pas mieux.
Lever les yeux au Ciel ou critiquer les autorités sur les réseaux sociaux ne changera pas la situation du pays. Il faut s’engager pour le bien du Congo.
Le bien du Congo, c’est refuser la corruption.
Le bien du Congo, c’est favoriser le talent et la compétence plutôt que le népotisme et le clientélisme.
Le bien du Congo, c’est voter des dirigeants en ayant conscience qu’ils ont la destinée du pays entre les mains et que seuls les plus qualifiés et les plus intègres doivent en faire partie.
Combien sommes-nous à laisser passer de classe ou de promotion des élèves ou des étudiants qui ne le méritent pas ?
Combien sommes-nous à remplir nos cabinets ministériels des personnes qui ont pour seule aptitude de parler la même langue ou d’être issues de la même ethnie que nous ?
Combien sommes-nous à utiliser l’argent et les biens publics au bénéfice de notre famille et de nos proches ?
Combien sommes-nous à ne jamais arriver à temps au travail ?
Combien sommes-nous à vouloir nous débarrasser des tâches professionnelles plutôt que de veiller à rendre un travail impeccable et irréprochable ?
Contrairement au mal, faire le bien nous coûte toujours quelque chose : un peu de repos, un peu de loisir, une sympathie, etc. Mais c’est le prix à payer pour que «le mal ne l’emporte jamais».
Le pape François nous veut engagés comme lui-même l’a été pour les plus démunis, les pauvres, les malades.
Lors de l’interview qu’il m’avait accordée, Mgr Montemayor avait posé cette question rhétorique : «Pourquoi le pape a parlé plus que la classe dirigeante Kasaïenne sur le problème du Kasaï ?».
Trop souvent, on a l’impression que nos problèmes touchent davantage les personnes étrangères au Congo que les Congolais eux-mêmes.
En fin de semaine dernière, l’incendie d’une embarcation sur le fleuve Congo à l’Equateur a fait près de 150 morts. Les rares médias congolais qui en ont parlé ont, en fait, relayé une dépêche de l’Agence France Presse. Et c’était à peu près tout. Vous rendez-vous compte ? 150 vies fauchées en l’espace d’une soirée. Sommes-nous devenus à ce point insensibles que la mort de 150 de nos compatriotes relève désormais de la banalité ?
La seule banalité dont nous avons besoin pour soigner le Congo est la «banalité du bien». J’emprunte cette expression à Xavier Alberti qui l’évoquait comme remède à la «banalité du mal».
La «banalité du bien», ce sont tous ces gestes que nous posons pour répandre le bien autour de nous sans rien attendre en retour.
C’est cette «banalité du bien» qui fera que «le mal ne l’emporte jamais». Nous avons perdu un ami. Et comme le savent si bien ceux qui ont perdu des êtres chers, la seule façon de continuer à faire vivre leurs mémoires, c’est de faire ce qu’ils souhaitaient nous voir faire.
Le pape François voulait nous voir faire le bien pour que «le mal ne l’emporte jamais»…
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