«Le pire n’est jamais sûr»
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C’est bizarre. Hier, Jacques Attali a presque annoncé la victoire de la Côte d’Ivoire à la Coupe d’Afrique des nations, plusieurs heures avant le match.
Comme tous les jours désormais depuis un moment, il a publié une courte vidéo sur les réseaux sociaux pour parler d’un sujet. Et hier, c’est de la finale de la Coupe d’Afrique de football qu’il a parlée. Certes, c’était l’évènement du jour. Mais je ne m’y attendais pas.
En partant du parcours de la Côte d’Ivoire pendant cette compétition, il a défendu une idée qui, si j’en crois ses publications, lui est chère. En tout cas, c’est l’une des convictions qui revient le plus souvent dans ses textes : rien n’est impossible quand on le veut. Face à tous les constats accablants, la volonté et le travail peuvent nous éviter le pire.
David contre Goliath
«Si vous voulez une preuve que le pire n’est jamais sûr, il faut regarder ce soir la finale de la Coupe d’Afrique de football. Contre le Nigeria, hyperfavori pays de 200 et quelques millions d’habitants […] dont l’équipe a tout pour gagner, la petite Côte d’Ivoire, pays de moins de 30 millions d’habitants. Une équipe […] qui a été à la dérive au début et qui, pourtant de match en match, a gagné, n’a pas perdu, a gagné, a réussi à franchir les obstacles. C’est la preuve que le pire qui s’annonçait pour cette équipe n’a pas eu lieu», explique M. Attali dans la vidéo de près de deux minutes.
Il faut reconnaître qu’au terme des matches du premier tour, personne ou presque ne pouvait imaginer que la Côte d’Ivoire, certes pays organisateur, allait remporter cette édition de la Coupe d’Afrique des Nations. Les Ivoiriens ont dû attendre la victoire du Maroc pour célébrer leur qualification en huitièmes de finale. Preuve de leur désespoir, ils se sont même séparés de leur sélectionneur dès la fin de leur troisième match, piteusement perdu face à la modeste Guinée Equatoriale (4-0).
Le chanteur congolais (de Brazzaville) Tidiane Mario que j’ai découvert grâce au hasard des suggestions de Spotify dit dans «Mokili» : «les plus humiliés sont les plus glorieux».
Mais au-delà de la petite phrase, qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que les Ivoiriens passent de l’humiliation à la gloire ?
Jacques Attali a sa petite idée :
«Le courage et la volonté font que rien n’est impossible. C’est vrai pour le foot. C’est vrai pour beaucoup d’autres choses. C’est pour cela que le sport et le foot, en particulier, nous disent des choses si on veut bien les entendre. Rien n’est impossible si on le veut.»
«Rien n’est impossible»
M. Attali défend souvent cette idée.
Dans une interview publiée en 2021 sur le site Internet de la société «Cadres et Dirigeants Interactive», il semblait déjà dire la même chose quand il était interrogé sur son propre parcours.
L’interviewer demande à l’écrivain : Vous avez été le «premier de la classe» de la terminale jusqu’à Polytechnique… Aviez-vous des facilités ou était-ce surtout du travail ?
Jacques Attali répond : «Aucun talent. Beaucoup de travail. Je n’ai aucun don pour rien : je travaille énormément.»
En juillet 2018, il a publié sur son blog un billet qui faisait l’éloge du «grit», cette «capacité à s’en tenir à un projet à long terme, malgré les difficultés».
Et comme je l’ai moi-même écrit dans «Le courage plus que le talent» :
«Écrire un livre, réussir une reconversion professionnelle, se préparer pour un championnat international, faire de longues études, etc. Tout ce qui demande un investissement personnel sur la durée, une discipline et une exigence de chaque instant fait appel au ‘’grit’’.»
Ce qui est vrai sur le plan personnel l’est également sur le plan collectif.
En 2009, quelques semaines après la victoire de la sélection de RDC à la première édition du Championnat d’Afrique des nations de football, le président Nicolas Sarkozy, en visite à Kinshasa, avait eu ces mots devant le Parlement congolais :
«Je ne peux pas conclure mes propos sans évoquer, en amateur averti que je suis, la belle victoire de votre équipe nationale de football. C’était la première édition du Championnat d’Afrique des Nations, et les Léopards de la République démocratique du Congo ont gagné! J’y vois la preuve éclatante que lorsqu’ils jouent en équipe, se fixent des objectifs et se décident à les atteindre ensemble, les Congolais ont vocation à vaincre et à triompher.»
«Sortir l’épée pour éviter le pire»
C’est le sens de la vidéo de Jacques Attali. Dans une période de l’histoire où des peuples du monde entier se posent des questions sur leur avenir et celui de leurs enfants, il n’est pas inutile de se souvenir que «le pire n’est jamais sûr».
Pendant que la Coupe d’Afrique des nations de football se disputait, les joueurs congolais ont attiré l’attention du monde sur le drame qui se joue actuellement dans l’Est de leur pays où la violence armée arrache tous les jours de nombreuses personnes à l’amour de leurs parents et amis.
Est-ce une fatalité ? Non. Le Congo peut triompher. C’est un défi. Il est de taille. Rétablir la sécurité et l’autorité de l’Etat dans cette partie du Congo n’est pas chose aisée.
Mais comme le disait le président Sarkozy dans le discours auquel je faisais allusion plus haut, «si l’on refuse le confort du renoncement, il n’y a jamais de fatalité».
Encore une fois, rien n’est impossible. Mais il faut être conscient des défis. Prendre les bonnes décisions. Collectivement. Ne jamais reculer face au danger. Ne faire que peu de cas des opinions des uns et des autres. Et façonner son avenir avec courage et intelligence. Ne pas avoir peur ni de l’avenir. Ni de la catastrophe. Agir. Encore et encore.
Ne jamais oublier qu’«on ne confie pas son destin à un autre». Au lieu d’attendre je-ne-sais-quel-sauveur, les Congolais doivent prendre conscience de tout ce qui se joue autour de leur pays et agir en conséquence. Un pays de plus de 100 millions d’habitants, richement doté en ressources naturelles, entouré de neuf voisins doit disposer de l’armée la plus puissante du continent africain.
C’est non sans raison que le président Théodore Roosevelt soutenait que «se préparer à la guerre est le meilleur moyen de garantir la paix».
Le président américain cité dans «Vers la guerre» de Graham Allison dit entre autres ceci de la diplomatie : c’est «une excellente chose», mais «en dernière analyse, si nous souhaitons que ce pays reste en paix avec les nations étrangères, nous serions bien avisés de placer notre confiance dans une marine de premier ordre, et des navires de guerre de premier ordre, plutôt que dans les traités mis au point par des hommes».
Pour chaque Congolais, la sécurité du pays doit être le souci prioritaire. Pour leurs dirigeants, une question de vie ou de mort. Si comme le dit Jacques Attali, «le courage et la volonté font que rien n’est impossible», nous savons ce qu’il nous reste à faire :
«Il ne faut pas hésiter à sortir l’épée pour éviter le pire».
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