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Le pire est à venir…

Le pire est à venir…

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Je ne veux effrayer personne. Mais il serait dangereux de continuer à refuser de regarder les choses en face et de faire semblant comme si tout allait bien. Non. Tout ne va pas bien. Le dire n’est ni du pessimisme ni de la mauvaise foi. Le Congo ne va pas bien. Et si tout le monde ou presque peut le constater, l’honnêteté doit nous conduire à dire également que nous ne faisons rien pour inverser la tendance.

Je ne vous parlerai pas de la crise sécuritaire dans l’Est du pays dont les habitants continuent à souffrir d’une violence armée que peu de parties du monde ont eu à connaître dans un laps de temps aussi long sans susciter un intérêt particulier de l’intérieur ou de l’extérieur du pays.

Je ne vous parlerai pas de 25,6 millions de personnes (un peu moins d’un Congolais sur quatre) qui connaissent des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë à travers le pays.

Je ne vous parlerai pas non plus de plus de 6 millions de personnes déplacées qui sont contraintes de tout abandonner (maison, champ, travail, bétail, etc.) pour fuir l’insécurité ou une catastrophe naturelle.

A mes proches, il m’arrive souvent de répéter que ce ne sont pas les problèmes qui m’effraient. Ce qui m’effraie, c’est l’incapacité à trouver des solutions ingénieuses pour y faire face.

Et c’est de cela que je voudrais vous parler. J’emprunte à Xavier Alberti la formule : «Nous vivons dans un monde où les diagnostics sont partout, les solutions nulle part».

Rien ne résume aussi bien l’état d’esprit des élites congolaises. On les reconnaît dans les médias (personnels et traditionnels) à leur français recherché et à leurs titres académiques qu’ils veulent voir afficher partout.

Mais à quoi sert une élite si elle ne sait pas trouver des solutions aux problèmes qui se posent à sa société. A Rien.

Le Congo manque cruellement d’infrastructures. Tout le monde le sait depuis au moins 40 ans. Qui est-ce qui essaie d’y apporter le moindre début de solution ? Personne.

Le Congo a un déficit criant d’énergie électrique. Qui est-ce qui essaie d’y apporter le moindre début de solution ? Personne.

Pourtant, vous entendrez tous les jours sur les réseaux sociaux ou dans les médias des individus se vanter d’avoir les meilleurs diplômes possibles en économie. Mais personne pour nous dire comment faire marcher l’économie d’un pays sans infrastructures ni énergie.

Dans beaucoup de régions au Congo, les seules infrastructures sérieuses encore debout ont été construites il y a plus de soixante ans.

Je ne remets jamais en cause les diplômes des autres. D’ailleurs mon petit diplôme (Bac + 5) de journaliste ne me l’autorise pas.

Mais je puis m’autoriser une question : à quoi sert-il d’accumuler des connaissances si on ne les applique jamais à transformer le monde (et, prioritairement le monde autour de soi) ? A rien.

Au début du billet, je disais que je ne voulais effrayer personne. Mais pensez un moment.

Si demain matin, une épidémie plus dangereuse que le Coronavirus frappait la planète, dans quel l’état trouvera-t-elle l’hôpital au Congo ?

Si au moins de juin 2025, la Chine envahissait Taïwan et que la navigation dans la mer de Chine méridionale était rendue impossible, comment l’économie congolaise réagirait-elle ?

Si une troisième guerre mondiale éclatait en 2026, comment assurerons-nous nos approvisionnements ?

Notre pays n’est prêt à affronter aucun de ces scenarios.

Or, ce qui s’apprête à s’abattre sur nous est mille fois plus terrifiant que tous ces scenarios.

En 2050, le Congo va compter 215 millions d’habitants. Dans un article paru dans le journal «Le Monde», le professeur Jacques Emina de l’Université de Kinshasa faisait remarquer que «depuis 1960, la population a été multipliée par 7,5 mais le revenu par habitant a été divisé par 2,5».

Ces chiffres que nous refusons de regarder en face nous alertent sur ce qui sera – si l’on n’y prend garde – la plus grave crise que le Congo va connaître. Et cela risque d’arriver plus vite qu’on ne l’imagine.

Et s’il y a une ville qui, plus que les autres, va subir les contre-coups de cette explosion démographique, c’est Kinshasa. En 2050, la capitale congolaise comptera 29 millions d’habitants. Aujourd’hui, ils sont moitié moins. Et personne ne sait les faire déplacer correctement. Personne ne sait comment gérer correctement leurs déchets. Personne ne sait comment alimenter leurs logements en eau et en électricité. Personne ne sait les instruire correctement. Personne ne sait comment employer ceux qui sont en âge de travailler.

Que pensez-vous qu’il se passera quand deux fois plus de personnes chercheront du travail sans en trouver, voudront se déplacer sans y arriver à temps, chercheront un logement digne sans en trouver à un prix raisonnable ?

Il se passera ce qu’il se passe dans un pays où plus personne – en dehors d’une petite élite – ne trouve de réponses aux questions que chaque citoyen peut légitimement se poser.

Les données de l’équation telles qu’elles se présentent actuellement ne laissent présager qu’une catastrophe. Elle n’est pas souhaitable. Mais, pour l’heure, personne ne sembler s’en préoccuper.

«A l’échelle de chacune de nos vies et de chacune des sept communautés, au moins, dont nous sommes membres (famille, cercles d’amis, entreprise, lieu de vie, pays, ensemble des humains, ensemble des êtres vivants), nous nous laissons trop souvent bercer par des illusions.  Nous pensons qu’il suffit qu’une action soit énoncée pour qu’elle soit faite», écrit Jacques Attali sur son blog.

Non. La parole ne vaut pas action. Dire qu’on va lutter contre la corruption ne réduit pas la corruption. Dire qu’on va investir dans l’éducation n’améliore pas la qualité de l’enseignement. Dire que nous avons des potentialités pour être une puissance ne fait pas de nous une puissance.

Pour le moment, nous semblons encore croire en nos propres illusions.

Mais, comme nous met en garde M. Attali, «un jour, plus tôt qu’on ne le croit, la réalité viendra cogner à la porte. Et quand elle viendra, cela sera terrible. Pas pour ceux qui auront procrastiné. Mais pour tous ceux qui en sont et seront victimes».

Le pire est à venir…

3 comments

comments user
Cibaka Cikongo

Une bonne réflexion. Et je me demande si ce n’est pas la situation du monde des hommes, toute proportion gardée. La crise politique en France, n’est ce paas une révélation de ce paradoxe qui tue les sociétés humaines ?

A. Cibaka Cikongo
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    comments user
    Joël Bofengo

    Si on élargit la focale, on fait effectivement le même constat que vous. C’est un problème auquel fait face toute l’humanité.

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