«Le matin, tout le monde est brave»
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« Mon cher fils,
Ce soir de retour à la maison, la gouvernante m’a fait savoir que tu étais passé. Tu avais sûrement oublié que je passe toute la soirée du vendredi à la paroisse. Je n’ai pas changé.
En parlant du vendredi soir, te souviens-tu de la réponse que le papa de Jessica et moi-même avions fait parvenir à tes parents quand ils nous ont fait savoir que tu comptais te présenter à nous pour obtenir la main de notre fille ?
‘’Nous connaissons votre fils et sommes au courant de son amour pour notre fille. Nous lui donnerons la main de Jessica sans problème. Mais ce sera un autre jour. Pas un vendredi soir.’’
Jessica était furieuse contre nous. Vous vouliez vous marier rapidement. Et vous pensiez sûrement que nous étions en train de vous retarder par caprices.
Ces dernières semaines, et encore plus depuis la mort du papa de Jessica, j’ai beaucoup pensé à vos débuts.
Tu venais à la maison tous les jours après ton travail. Vous partagiez un repas. Ensuite, vous passiez toute la soirée à discuter, à planifier, à rigoler, à jouer au Scrabble.
Placide et moi, vous observions depuis le salon. On vous souhaitait une seule chose : que vous continuez comme cela après votre mariage.
Dans ma langue maternelle, il y a un dicton qui se traduit en français par : «Le matin, tout le monde est brave».
Nous n’avons pas eu l’occasion de discuter depuis votre séparation.
J’ai vu le petit mot que tu m’as laissé ce soir. Tu veux mon avis sur ta décision d’aller à Kananga pour reprendre ton épouse et votre fille et revenir avec elles ici à Kinshasa.
Il y a quelques mois, quand Jessica était revenue à la maison après votre séparation, je lui avais conseillé de sauver son mariage. Je ne lui en veux pas d’être partie malgré mon conseil. Je ne lui en veux pas pour la façon dont elle est partie. Je ne lui en veux pas pour sa décision. C’est ma fille. Mon amour pour elle est et restera inchangé.
Mais je vous en veux à tous les deux pour n’avoir pas su protéger ce qu’il y a de plus précieux dans la vie d’un couple : votre union.
Le mariage n’est pas une fête. Ce n’est pas des biens remis comme dot. Ce n’est pas un prestige social. Ce n’est pas un outil pour se prévaloir d’une quelconque position parmi ses amis.
Le mariage est une union. C’est deux personnes qui décident de renoncer volontairement à leurs egos pour former quelque chose de nouveau qui les dépasse. Le mariage, ce n’est pas une addition de deux personnalités. C’est une fusion de deux volontés. Nous nous marions avec la promesse de construire quelque chose d’éternel malgré notre finitude et nos faiblesses. Et ce quelque chose, nous le construisons tous les jours par le renoncement et l’abandon de soi. Renoncement à ses passions égoïstes. Renoncement à son orgueil. Renoncement à son amour-propre.
Dans la vie de tous les jours, ça veut dire que tu résistes aux œillades de la jeune fille assise à la table d’à-côté parce que le plaisir éphémère qu’elle va te procurer va briser le cœur de ton épouse.
Dans la vie de tous les jours, ça veut dire que si malgré tout tu succombes à ses appels, tu te relèves ensuite et que jamais tu n’acceptes d’entretenir une relation parallèle à ton couple parce que ça vide le sens de ton mariage.
Dans la vie de tous les jours, ça veut dire que si ton épouse fait une dépense imprévue, tu dois passer l’éponge après le lui avoir reproché clairement et fermement. Et sans jamais garder rancune.
Dans la vie de tous les jours, ça veut dire que ton épouse vient avant le reste du monde dans l’ordre de tes priorités.
Dans la vie de tous les jours, ça veut dire que tu pardonnes à ton épouse toutes les fautes, en t’assurant qu’elle fait des efforts pour ne pas recommencer.
Oui. Tu as bien lu «toutes les fautes». Dans un mariage, les conjoints se pardonnent TOUT sauf ce qui constitue des atteintes à la vie de l’autre puisque ça relève du pénal et doit donc être puni conformément à la loi.
Pour le reste, tout est pardonnable pour chacun de deux conjoints. Et même l’infidélité ? Oui. Chez l’homme comme chez la femme.
Mais ça ne vient pas naturellement. C’est un renoncement. A son amour-propre.
Tant que dans un couple, vous n’en êtes pas encore venus à vous convaincre complètement que vous pouvez tout vous pardonner, vous ne formez pas encore une union.
Maintenant que tu veux te rendre à Kananga convaincre ton épouse de revenir au foyer, je voudrais que tu te poses cette question et que tu y répondes en toute sincérité : si Jessica avait fait ce que toi tu as fait, lui aurais-tu pardonné ?
Si au plus profond de ton être, tu réponds à cette question par l’affirmatif, tu as ma bénédiction. Vas la chercher et ramène-la. Si la réponse est négative, ne gaspille pas ton temps et ton argent. Laisse ma fille tranquille et poursuis ta vie loin d’elle.
Avec toute mon affection maternelle. »
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