×

Le fantôme de Washington

Le fantôme de Washington

Partagez maintenant sur :

Tshibo n’aime pas les chiens. Elle leur préfère les poules. Son père a beau lui répéter que ce n’est pas pareil, elle ne veut rien entendre.

-Ce sont des animaux de compagnie, papa.

-Non, ma fille. La poule est un animal d’élevage. On l’élève pour pouvoir en manger. Mais le chien est un animal de compagnie. On ne peut pas en manger.

-Tes frères en mangent pourtant.

-Ce sont des villageois. On ne peut pas manger un chien.

En fait, Tshibo ne mange aucune viande. Elle est végétarienne depuis ses 18 ans. Avant, ses parents l’obligeaient de manger de la viande.

Dans la bouche de Makasu, ça donne : «Vous, les herbivores vous avez d’étranges habitudes.»

-Je ne suis pas herbivore. Je suis végétarienne, mon cher ami, prof de français.

-Tu es sûre que ce ne sont pas des synonymes ?

-Les deux concepts n’ont même rien à voir l’un avec l’autre.

-Comment ça ? Le point commun est que végétariens et herbivores mangent des herbes.

Tshibo lève les yeux au ciel et change de sujet de discussion. Si ses discussions avec Washington étaient souvent houleuses, Makasu retrouve une sérénité certaine quand il discute avec Tshibo.

Plus calme, peu encline aux emportements et à l’empressement, Tshibo est l’anti-Washington. Avant de parler, elle prend toujours son temps. Elle sait manier les silences. Elle sourit même quand elle n’est pas d’accord et attend «le bon moment» pour exprimer son désaccord.

«Mais, c’est une vraie dure», aime à dire Makasu quand elle la compare à Washington qu’elle qualifie volontiers de «tigresse en peluche».

-Elle aboie. Elle ne mord pas.

-Elle t’a pourtant mordu, mon cher ami.

-A ta place, je ne serai pas aussi affirmatif.

Même s’il ne le lui a jamais dit, Libanais pense sincèrement que l’immaturité de son ami est à la base de la fin de sa relation avec Washington. Et il pense que la jeune enseignante n’est pas l’aboyeuse que décrit souvent son ami.

Entre les deux amis, Washington est devenue un sujet de vives discussions. Libanais ne supporte plus d’entendre Makasu comparer tout le temps son ex avec sa favorite du moment, Tshibo.

-On sait tous que Tshibo déteste les chiens autant que Washingon les adore.

-C’est à cela que tu réduis leurs différences ?

-Je ne comprends pas ton envie permanente de les comparer.

-Mais j’ai bien le droit. Non ?

-Si tu le dis.

Makasu le sait. Libanais et Washington sont de plus en plus proches. Il sait que les deux participent à des séances de yoga ensemble à GB.

Leur proximité ne date pas d’aujourd’hui. Il le sait. Mais quelque chose semble lier ces deux-là, un peu plus qu’avant.

Qu’est-ce que ça peut bien être ?

Makasu ne l’a jamais demandé à Libanais. Mais entre les deux amis, l’air de rien, Washington devient un sujet à éviter.

Pour l’heure, Libanais s’attelle à pousser Tshibo dans les bras de Makasu. Non sans un certain succès. Il a noté avec satisfaction le fait que Tshibo a refusé de se rendre dans la famille de son nouvel époux après le mariage coutumier.

Il a également exulté quand il a appris que Tshibo a décliné l’invitation de Tabu à Dakar où il doit suivre une formation pendant un mois.

«Tu m’as épousé sans te présenter, et tu voudrais que moi je me déplace pour te retrouver dans une ville où tu n’es que de passage», avait répondu Tshibo au téléphone. Une fois encore, sa mère était d’accord avec elle. Son père a commencé à avoir des inquiétudes au sujet de ce mariage toujours pas «consommé», trois mois après sa célébration.

Comme souvent quand on a un plan qu’on ne veut pas révéler, Libanais commence à en faire trop. Habituellement si froid et calculateur, il se mêle de la situation de Tshibo bien plus que Makasu lui-même. Ce dernier ne tarde pas à le remarquer.

-Rarement je t’ai vu autant investi dans mes problèmes de cœur ?

-Qu’est-ce que tu insinues ?

-Mais je n’insinue rien. Je te fais part d’un constat. Pourquoi as-tu l’air offensé ?

-Je ne suis pas offensé. Je cherche à comprendre.

«Hey, les gars ! Stop !», intervient Tshibo qui enchaîne :

-Dès qu’il s’agit de cette femme, vous êtes tous les deux comme possédés par un esprit.

Libanais et Makasu se regardent mais ne disent rien.

Tshibo a vu juste.

A force de côtoyer les deux amis, elle a fini par se faire une idée de l’influence qu’exerce encore Washington sur son ex et sur l’ami de son ex. Et c’est bien le plus troublant dans l’affaire.

Que vient faire Libanais dans tout ça ? S’agissait-il d’un ménage à trois ?

Tshibo avoue ne pas comprendre. L’incompréhension va céder la place aux soupçons quand, un soir de rendez-vous avec Makasu, il surprend Libanais au téléphone en train de se rappeler, avec son interlocuteur, un souvenir «que personne ne doit savoir» mais qu’il n’oubliera jamais «tant il est précieux».

La jeune femme ne demande pas à Libanais avec qui il parle. Mais elle a la conviction qu’il s’agit d’une fille et que le fameux souvenir concernait également Makasu.

D’ordinaire si froid, Libanais avait rapidement essayé d’interrompre la communication avant de se raviser et de changer brusquement de sujet de conversation.

Pendant toute la soirée, Tshibo a eu affaire à un Libanais «étrange» comme s’il s’interrogeait sur ce que la jeune femme a bien pu écouter.

L’arrivée de Makasu autour de la table n’a rien arrangé.

-Tu ne pars plus à Beni ?

– Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu me parles de Beni ? Depuis quand ça t’intéresse ?

Devant un Makasu interdit, Libanais est presque hystérique, avant de prendre congé de ses deux invités et de s’en aller.

Restés seuls dans l’arrière-boutique de la maison de commerce de Libanais, Makasu et Tshibo se regardent sans rien comprendre.

-Qu’est-ce qui se passe ici ?

-Je ne sais pas. En arrivant, je l’ai trouvé au téléphone. En me voyant, il a soudainement paru étrange. Comme s’il redoutait que j’aie entendu une partie de sa conversation.

-C’était avec qui ?

-Comment veux-tu que je le sache ?

-C’était une fille au bout du fil ?

-Pourquoi ça t’intéresse ? Tu penses que c’est ton ex ?

-… -Et à ce propos, qu’est-ce qui peut expliquer votre proximité respective avec cette femme alors que vous n’avez plus rien à partager, comme tu aimes à le clamer ?

2 comments

comments user
Sieza Kuéla Angelique

Beaucoup de suspens dans ce merveilleux épisode, ce qui le rend très attrayant.
Makasu et son ami libanais sont très mystérieux… wait and see 🤦‍♀️!
Merci beaucoup, mon ami.👏👏👏

Laisser un commentaire

LinkedIn
Share
WhatsApp
Copy link
URL has been copied successfully!