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Le Congo est jeune. Faites-nous rêver !

Le Congo est jeune. Faites-nous rêver !

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Le Congo est un jeune Etat. Cette phrase va arracher un sourire à certains. Mais c’est un fait. Dans l’histoire des nations, 63 ans c’est jeune. C’est même très jeune.

Jugez-en par vous-même. Pour l’Europe, les États-Unis sont un pays jeune. La déclaration d’indépendance des États-Unis a été adoptée le 4 juillet 1776 par les représentants des 13 colonies anglaises qui vont devenir les 13 premiers États américains. C’était hier.

A raison, les dirigeants chinois rappellent souvent à leurs homologues américains qu’ils sont issus d’une civilisation plusieurs fois millénaire.

A fortiori, un pays indépendant depuis 1960…

Mais je comprends parfaitement les Congolais qui estiment qu’après 63 ans d’indépendance, «on a grandi».

Ça me rappelle cet adolescent qui boude quand son papa commence ses phrases par «Quand tu seras grand». Invariablement, il proteste : «Mais papa, je suis déjà grand».

Le Congo est jeune. Il ne faut ni le déplorer ni s’en féliciter. C’est un fait. Il faut faire avec. Il faut vivre comme tel.

Le 20 décembre, nous sommes allés voter. Je ne devrais pas utiliser le passé puisqu’au moment où j’écris ces lignes, le vote se poursuit. Vingt-quatre heures n’ont pas été suffisantes pour faire voter tout le monde (44 millions d’électeurs repartis sur un territoire de 2 345 000 kilomètres carré, sans infrastructures). C’était prévisible. Les choses n’ont pas été faites correctement.

C’est la quatrième fois depuis 2006 que des élections générales sont organisées dans le pays. Le pays et ses institutions devraient être rodés pour ce genre d’exercices. Mais non. Ce n’est pas encore le cas.

Est-ce parce que le pays est encore jeune ? Oui.

Ne protestez pas. Lisez jusqu’au bout.

J’ai déjà écrit sur ce même blog que la jeunesse n’est ni une qualité ni une excuse.

Mais il est problématique d’être jeune et de ne pas en être conscient.

Être conscient d’être jeune, c’est accepter les fragilités et les hésitations liées à cette étape de la vie.

Être conscient d’être jeune, c’est être cohérent avec le futur. Pas avec le passé.

Être conscient d’être jeune, c’est prendre son risque. C’est refuser de se laisser guider la peur. C’est refuser d’avoir comme moteur la peur d’échouer. C’est accepter de n’être mû que par la volonté d’essayer, d’innover, de casser les codes, de triompher de l’adversité. C’est ne pas faire comme tout le monde. C’est oser penser que l’on peut choisir son chemin.

Être conscient d’être jeune, c’est avoir des projets plutôt que des regrets.

Et non, les Congolais et leurs dirigeants ne se comportent pas comme des jeunes. Ils sont vieux dans leurs têtes. Ils passent leur temps à regretter un passé glorieux imaginaire («quand Mobutu était là», «Quand les Belges étaient là»).

Regretter le passé plutôt que chercher à créer l’avenir que l’on souhaite est la marque de ceux qui ont vécu trop longtemps pour pouvoir avoir la force d’imaginer de nouveaux projets.

C’est la France qui a peur de l’avenir et de l’étranger et qui veut se recroqueviller à coups des lois sur l’immigration. C’est l’Angleterre qui décide de quitter l’Union européenne. Ce sont de vieilles nations.

Le Congo est jeune. Et échouer pour un jeune, c’est la possibilité d’essayer autre chose. D’emprunter un autre chemin.  

C’est de ce Congo-là que j’appelle de mes vœux. Celui qui va sortir des sentiers battus. Celui qui va choisir d’autres voies que celles empruntées par les vieilles démocraties libérales. Imaginer d’autres institutions qui vont répondre à nos problèmes. Pas calquer des institutions imaginées par Napoléon (si je demande aux Congolais qui sont autour de moi dans le bistrot d’où j’écris ce billet quel est le travail du Conseil d’État, pas grand-monde ne me donnera une réponse sérieuse).

A tort ou à raison, les jeunes pensent toujours être en train de créer quelque chose de nouveau. Et c’est bien ainsi. C’est l’état d’esprit qui sied le mieux à un pays comme le Congo.

Et pas celui de suiveur éternel. Sans imagination. Sans esprit de révolte. Sans rébellion.

Le Congo est un pays jeune. Et cela doit se voir. Dans notre ambition. Dans nos rêves. Dans notre intrépidité. Dans notre insoumission. Dans notre insouciance. Dans notre refus de la fatalité et de la tranquillité.

«La tranquillité est le lait de la vieillesse.»

Les Congolais devraient être des gens intranquilles. Jamais satisfaits. Jamais peureux. Jamais limités. Toujours à la recherche des défis.

La campagne électorale qui vient de se clôturer est la preuve ultime que les dirigeants congolais et ceux qui souhaitent le devenir n’ont aucune imagination.

Dans les programmes des principaux candidats à la présidentielle que j’ai lus, je n’ai rien vu de révolutionnaire, ni d’ambitieux, ni de novateur, ni de surprenant.

C’est l’état d’esprit du pays. Un pays vieux dans sa tête. Une nation peureuse où tout le monde reproduit exactement ce qui a été fait par le passé. Une nation triste où les jeunes veulent ressembler aux vieux et reproduire exactement les mêmes bêtises qu’ils ont faites par le passé sans jamais s’interroger sur la possibilité d’essayer autre chose.

Ce qui manque au Congo, c’est le goût du risque. C’est la folie. C’est le rêve. C’est la jeunesse dans ce qu’elle a de plus insouciant et de plus imaginatif.

Aux nouveaux dirigeants qui vont bientôt entrer en fonction. Soyez fous ! Étonnez-nous ! Surprenez-nous ! Faites-nous rêver !

Ne reproduisez pas les schémas de vos devanciers ou de vos homologues étrangers. Soyez libres ! Osez l’inattendu, l’inimaginable, l’impossible !

Ne soyez pas triste. Soyez ambitieux !

Ne soyez pas suivistes. Soyez créateurs !

Ne soyez pas imitateurs. Soyez innovateurs !

Le pays est jeune (et sa population est très jeunes). Il peut encore tout supporter. C’est le moment de le forger. De lui donner une identité propre.

Dans la déclaration d’indépendance des États-Unis que j’évoquais au début de ce billet, on peut lire :

«Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par leur Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu\’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l\’abolir et d\’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l\’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur.»

Vaste programme ! Les pères fondateurs des États-Unis étaient des personnes libres. Leur audace, leur ambition et leur jeunesse transparaissent dans cette déclaration.

Il est temps que les dirigeants congolais fassent preuve de la même audace, de la même ambition et de la même jeunesse. C’est le prix à payer pour créer une nation libre, fière et belle. Tournée vers l’avenir. Et pas sans cesse en train de nourrir des regrets.

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