Je veux qu’il porte ton nom…
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-C’est ta sœur.
Deux jours après être arrivé à l’hôpital Monkole, Steve Jobs se sent mieux. Il veut même déjà rentrer chez lui, malgré les réticences du personnel soignant. C’est le moment que choisit sa maman pour lui annoncer quelque chose qui va bouleverser sa vie. Son amie Washington qu’il aide pour la rédaction de son travail de fin d’études est, en fait, sa sœur.
Steve Jobs a du mal à réaliser. Après un long moment de silence, il éclate en sanglots.
Au fond de lui, il n’a jamais su quoi penser de Washington. Ses sentiments pour elle ont toujours été confus. L’aime-t-il secrètement ? Il ne se l’est jamais avoué même si son jeune frère le taquine souvent à ce sujet, lui reprochant de ne pas assumer ses sentiments.
Si le jeune homme refuse de se persuader que ce qu’il ressent pour Washington est plus que de l’amitié, c’est aussi parce qu’il a conscience du fossé qui les sépare. Mais il a bien remarqué que sa nouvelle amie voulait de plus en plus passer du temps avec lui pour des motifs divers et variés.
Quelque fois, elle l’attendait jusqu’à la fermeture du cybercafé pour aller ensuite prendre un verre.
-C’est moi qui paie.
-Non, c’est moi.
-Monsieur Jobs, c’est moi qui vous ai invité. Alors, c’est moi qui paie.
Ces discussions, les deux amis les avaient souvent. Ce qui faisait bien rire le frère de Steve Jobs qui, pour couper court à la discussion, suggérait à chacun de lui donner ce qu’il avait prévu de dépenser pour que ce soit lui qui paie l’addition.
Tous ces souvenirs se bousculent dans la tête de Steve Jobs alors qu’il a du mal à freiner ses larmes.
Sa mère commence alors à se demander si les deux jeunes gens n’ont pas été plus loin que ce que permet une amitié chaste. C’est en ce moment que Washington entre dans la chambre, les bras pleins de paquets contenant de fruits et des friandises pour le malade.
-Alors, la garde-malade est là…
-…
-Qu’est-ce qui se passe ici ?, demande-t-elle quand elle découvre les yeux de son ami, rougis par les larmes.
La mère de Steve Jobs lui prend par le bras le moins chargé.
-Il faut que je te parle, ma fille.
-Ho ho ! Je sens que je ne vais pas aimer ce que vous allez me dire, maman.
-Mon fils, c’est ton frère.
Washington laisse tomber les paquets qu’elle avait dans les bras. Et se jette dans les bras de Steve Jobs, en larmes.
-Je te demande pardon. Je ne le savais pas…
-Tu n’es pas en faute.
-Mon papa vous a fait souffrir, ton frère et toi. Pendant que moi je vivais dans le luxe, vous, avec qui je partage le même sang, vous manquiez même de quoi manger.
-Arrête ! Tu n’y es pour rien.
C’est ce jour-là, dans la chambre 14 de Monkole que naîtra une complicité que rien ni personne ne pourra plus défaire.
Après avoir demandé à la maman de les laisser seuls, Steve Jobs et Washington vont se promettre de ne jamais se quitter et de toujours prendre soin l’un de l’autre.
-Bon, maintenant que maman n’est pas là, dis la vérité. Tu as eu un béguin pour moi ?
-Jamais de la vie !
-Tu n’es pas obligé de mentir. Tu es mon frère.
-Dis plutôt que c’est toi qui craquais pour moi.
-Moi je suis fair-play. Je reconnais que j’ai commencé à éprouver quelque chose pour toi.
-Je l’ai remarqué.
-Ne prends pas la grosse tête, petit frère.
La découverte de ses demi-frères est l’une des choses qui vont détourner Washington de son père à qui il ne pardonnera jamais cette «forfaiture».
C’est aussi cette découverte qui, plusieurs années après, va conduire la jeune fille à reconsidérer sa décision vis-à-vis de Makasu et de l’enfant qu’elle porte.
Trois mois après, elle n’avait toujours pas annoncé à son demi-frère qu’elle attendait famille. Chose surprenante puisque les deux ne se cachent rien. Steve Jobs était le premier à apprendre le début de sa relation avec Makasu.
Maintenant qu’elle semble avoir pris la décision de ne pas associer Makasu dans la vie de son enfant, elle veut avoir l’avis de son complice de frère.
Depuis dix-huit mois, Steve Jobs vit en Tunisie où il fait un master en cybersécurité. Avant son départ, Washington lui a fait promettre de lui écrire tous les jours. Comme il est très réticent à l’usage des réseaux sociaux, il lui envoie chaque soir un mail où il parle de sa journée.
-Tu as totalisé 18 mois dans ce pays-là, et dans tes mails, il n’est toujours pas question d’une copine. Tu es désespérant. En parlant de ça, samedi, il faut qu’on parle. Je vais t’appeler sur Skype à 2h30, du matin (heure de Kinshasa).
Quand il découvre le lendemain la réponse de sa sœur à son mail de la veille, Steve Jobs est pris de panique. Mais il ne sait pas se l’expliquer.
Ces quatre phrases n’ont pourtant rien d’alarmant. Mais deux éléments attirent son attention : «Il faut qu’on parle» et «4h30».
Quand elle doit dire des choses, agréables ou pas, Washington ne prévient pas. Elle arrive et déballe. Dans sa bouche, «Il faut qu’on parle» veut dire : «j’ai des choses très importantes à te dire».
A propos de l’heure, le jeune homme et sa sœur ont une habitude qu’ils partagent. Ils discutent des sujets les plus graves tard dans la nuit.
C’était déjà le cas quand Washington avait décidé de présenter Steve Jobs à toute sa famille. Le jeune homme était réticent. La jeune femme a pris toute une nuit pour le convaincre.
C’était aussi le cas le jour où elle a décidé définitivement de couper tout lien avec son père- en claquant la porte de son cabinet- après que celui-ci a viré sans ménagement Steve Jobs qui s’occupait de sa communication digitale. Washington avait une nouvelle fois passé toute la nuit à expliquer à son frère que le mieux pour eux serait d’aller vivre loin de leur père. La jeune femme avait une nouvelle fois réussi à convaincre son frère.
Qu’est-ce que ça peut bien être cette fois-ci ?
-Tu seras bientôt tonton.
-Attends ! Tu es sérieuse ?
-Oui. Je suis enceinte.
Alors que son frère exécute des pas de danse devant son ordinateur, Washington, le regard perdu, verse des larmes.
Quand son frère s’en rend compte, il se rassoit.
-Qu’est-ce qui ne va pas ?
-On n’est plus ensemble.
-Pour que tu en viennes à verses des larmes, c’est qu’il y a quelque chose d’autre. De plus grave.
-Je ne veux pas l’associer à la vie de mon enfant.
Après un silence de trois minutes qui a semblé une éternité, Steve Jobs laisse tomber :
-Ne refais pas la même erreur que papa. Un enfant doit grandir avec ses deux parents. Tu n’as pas besoin d’un dessin pour le comprendre. Moi et Rocky, nous sommes là pour te le rappeler.
A son tour, Washington garde silence un long moment, avant de proposer un marché à son frère.
-D’accord ! Je vais suivre ton conseil. A une condition : si c’est un garçon, je veux qu’il porte ton nom…
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