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Être utile à demain

Être utile à demain

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Ce matin, j’ai sursauté quand j’ai lu sur le blog de Jacques Attali que «ceux qui naissent aujourd’hui ont toutes les chances d’être encore là quand commencera le vingt deuxième siècle». Je n’y avais jamais pensé. Il a raison, M. Attali.

Dans 78 ans, nous serons au vingt-deuxième siècle. L’allongement de l’espérance de vie- même dans les pays pauvres comme le Congo- permettra à de nombreuses personnes nées depuis 2020 de vivre le début du vingt-deuxième siècle.

Ce ne sera pas le cas pour l’auteur de ces lignes qui a déjà connu les dernières années du vingtième siècle.

A défaut d’être vivant quand l’humanité célèbrera son entrée au vingt-deuxième siècle, je voudrais néanmoins planter aujourd’hui des arbres à l’ombre desquels mes enfants s’abriteront au début de ce nouveau siècle. Car, comme le dit le proverbe grec, «une société grandit quand les vieillards plantent des arbres à l’ombre desquels ils savent qu’ils ne s’assoiront jamais.»

Rien ne devrait autant réjouir des adultes dans un pays que de mettre en place des politiques publiques dont bénéficieront les générations futures. C’est de cela que je voudrais vous parler aujourd’hui.

Vous aurez sans doute remarqué que dans mes derniers textes, je parle de plus en plus de la question du bien-être des générations futures. C’était notamment déjà le cas dans «Protéger les plus jeunes».

Je partage avec vous ma conviction : si un pays comme le Congo se retrouve aujourd’hui encalminé dans des problèmes que de plus en plus de gens trouvent insolubles, c’est parce que personne n’a pris la peine de penser l’avenir.

Si aujourd’hui, nous sommes obligés de recourir au maïs venu d’ailleurs pour nous alimenter, c’est parce que nous n’avons anticipé ni l’évolution démographique du pays ni la faiblesse de nos moyens de production agricole ni l’obsolescence de nos infrastructures de transport.

C’est donc une urgence pour les personnes de ma génération- je suis trentenaire- de commencer la réflexion sur le Congo dans lequel vivront nos enfants.

Et ce Congo-là arrive vite. Pas dans 70 ans. Non, dans 20 ans. Les enfants qui sont nés en 2020 sortiront de l’université. A quels types d’emploi postuleront-ils ? La réponse à cette question dépend de ce que nous faisons aujourd’hui parce que penser l’avenir, c’est agir raisonnablement aujourd’hui.

Comme l’écrit Jacques Attali, «faute de penser sérieusement l’avenir, on refuse d’agir pour l’orienter à temps vers le meilleur et on finit par paniquer au dernier moment devant des problèmes qu’on aurait pu résoudre, si on s’y était pris correctement bien avant».

Quels sont ces problèmes ? L’énergie, la sécurité, l’école, la santé et les infrastructures.

Si à l’entrée de la décennie 1990, les dirigeants zaïrois avaient pris à bras-le-corps ces questions, la moitié des problèmes auxquels fait face le Congo auraient déjà trouvé solution.

Trente ans après, rien n’a été fait.

Il serait suicidaire de rééditer cet «exploit» alors que nous nous approchons de 2050.

Pour que la génération de nos enfants vive dans un Congo meilleur que le nôtre, il faudrait que chacun se pose cette question simple : «comment être utile à demain ?».

Comme souvent lors de grandes catastrophes, nous avons tous clamé à l’unisson pendant la crise du Coronavirus que le «monde d’après» sera différent.

Sauf que, comme l’écrit si bien Xavier Alberti, «il n’y a pas de monde d’après, il n’y a que le monde d’aujourd’hui, incertain, chaotique, violent, impermanent, et il n’y a rien à espérer de demain que nous ne serions pas capables de faire aujourd’hui, à commencer par tirer les leçons de nos courses folles, celles qui nous ont conduit dans ce monde-là, où la seule promesse tenue est celle de vivre désormais dans le régime permanent de la catastrophe».

Pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui, il nous faut agir dès à présent pour faire advenir ce Congo prospère et libre que nous proclamons depuis trop longtemps sans jamais rien faire qui pourrait nous y mettre sur la voie.

Comment être utile à demain ?

En agissant dès aujourd’hui. Car, c’est dans l’action que l’être humain se révèle. Qu’il découvre autant qu’il se découvre. Qu’il crée autant qu’il se crée.

C’est aussi dans l’action qu’il se réalise et qu’il réalise la mission qui est la sienne, celle de transformer le monde qu’il a reçu en héritage de ses ascendants.

Agir donc pour poursuivre le travail jamais achevé de la création.

«L’homme est ce qu’il fait.» De ces gestes- petits et grands- posés tous les jours dépend notre destinée. De l’intensité, de la sincérité et de la volonté qu’on y met.

Le progrès vient du pas que l’on fait. Pas de celui qu’on dit qu’on va faire.

Parce que le monde ne nous attend pas. Parce que ses problèmes ne disparaissent pas avec le temps. Parce que remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui aggrave les difficultés plus qu’il ne les atténue. Il faut agir. MAINTENANT.

Par aveuglement, par renoncement, par «aquoibonisme», nous avons jusqu’à présent jugé bon de ne nous saisir des problèmes qui assaillent le Congo que par des mots : (fausses) colères, indignations sonores, incantations malhonnêtes, (fausses) promesses et slogans (creux).

Et comme «les mots d’aujourd’hui ne sont pas forcément les actes de demain», nous ne faisons rien, laissant à nos enfants la lourde tâche de résoudre des problèmes dont nous sommes pourtant à l’origine. Et comme «le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit», nos cris, récriminations et slogans nous donnent une illusion d’utilité qui se fracasse à la première crise venue.

Pour que notre déficit de production agricole trouve une solution, il faut déjà commencer à produire aujourd’hui de manière que la production gagne, avec le temps, en quantité et en qualité.

Car la question de notre indépendance alimentaire est tout sauf accessoire. Dépendre des autres pays pour nous nourrir est plus que problématique. La guerre en Ukraine nous a rappelé que la production agricole peut être utilisée comme une arme de guerre.

De la même manière, ne pas former correctement des ingénieurs, des enseignants et des artisans va finir fatalement par créer une dépendance mortifère pour le Congo.

Les habits et les chaussures que nous porterons demain doivent pouvoir être fabriqués par les jeunes que nous formons aujourd’hui. Il en est de même pour les chaises sur lesquelles nous nous assoirons demain.

D’où l’utilité de penser la formation des jeunes. Tout le monde se rend bien compte que l’école congolaise forme mal ou de manière peu efficiente au regard des besoins du pays. C’est un travail de long terme qui doit être fait. Mais il faut commencer MAINTENANT.

«Un pays, comme une entreprise, une famille ou une personne, ne peut rien construire de grand ni d’exaltant, ni de sérieux, ni de consensuel, ni d’empathique s’il ne pense pas à ce qu’il ou elle peut devenir dans le long terme», conseille Jacques Attali.

Notre incapacité à penser le long terme et notre facilité à remettre toujours à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui nous empêchent de penser le progrès.

Comment être utile à demain ?

La réponse à cette question n’est pas «réductible à un homme seul, à une femme seule ou à un slogan, elle appelle chacune et chacun d’entre-nous à la seule valeur qui tienne sa promesse, celle de l’engagement. Oui, il est temps de s’engager et de répondre à la mobilisation des uns, à l’inquiétude des autres et même à la folie de quelques-uns par l’action et non plus seulement par l’indignation, fut-elle retweetée des milliers de fois».

Si l’enseignant se donne la peine de former correctement. Si le journaliste informe correctement. Si le magistrat dit le droit, en toute circonstance. Si le fonctionnaire refuse de se laisser corrompre. Si le commerçant ne se crée pas artificiellement une trop grande marge bénéficiaire. Si le député contrôle bien l’action du gouvernement. Bref, si chacun fait correctement avec conscience et efficacité le travail qui est le sien, il sera utile à demain.

C’est comme cela que se construit l’avenir. Et c’est comme cela que l’on lègue à la postérité un pays en meilleur état.

5 comments

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Sieza Kuéla Angelique

Haa oui, la conscience professionnelle dans nos activités regaliennes, assurera sans doute un meilleur avenir à la future génération. Merci d’interpeller à nouveau à travers ce poste.
Beaucoup de courage pour l’excellent travail que tu abats regulièrement, mon ami. 👌👌

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    Joël Bofengo

    Merci pour les encouragements, mon amie, fille de Sankara.

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Waula merveille

Merci bcp pour cette interpellation. 🙏 Nous devons agir maintenant et chacun de nous doit en ce qui lui concerne faire de son mieux que son environnement de travail soit un , »îlot d’excellence ». Wam

    comments user
    Joël Bofengo

    Merci d’avoir pris votre temps pour le lire. 🙏🏿

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