«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs»
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En début de semaine, le troisième volet du rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat a été publié dans l’indifférence quasi-générale. Le deuxième volet publié le 28 février avait été accueilli dans une indifférence similaire.
Nous avons d’autres problèmes. La guerre en Ukraine et la hausse du prix du pétrole et des denrées alimentaires font la Une des médias. Mais pas l’urgence climatique.
De quoi me rappeler cette phrase de Jacques Chirac qui est passée à la postérité : «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs». C’était en 2002. Il y a 20 ans.
Comme beaucoup de gens- j’imagine et je le déplore- j’ai mis du temps à m’intéresser à la question climatique. Je ne me définis pas comme écologiste. C’est un mot que je n’aime pas. Et quand j’entends les discours des partis écologistes européens, je n’en ressens que révulsion et consternation.
Prendre conscience
L’enjeu climatique n’est pas une question de partis politiques. C’est une question de survie de notre planète et, donc, de l’humanité. Nous sommes tous concernés. Et il faut trouver les réponses. Les bonnes. Et rapidement. «C’est maintenant ou jamais», a averti Jim Skea, le coprésident du groupe du GIEC.
Mais pour commencer, il faut s’en intéresser.
Dans «Impressions et lignes claires», Édouard Philippe et Gilles Boyer reconnaissent n’avoir pris conscience de la question de la «dette écologique» que bien tard dans leur vie :
«Rien ne nous prédisposait à prendre conscience des enjeux écologiques. […] Entre la maternelle et l’école primaire, personne ne nous avait parlé du dérèglement climatique et de ses conséquences. Personne ne nous en parlera ni au collège ni au lycée.»
C’est pareil pour moi. Même à l’université, je ne me souviens pas avoir entendu des professeurs nous en parler et nous proposer d’en débattre. Les seules fois où j’entendais parler de «changement climatique», c’est lorsque, pour rire, des amis commentaient les fortes chaleurs de Kinshasa.
La question est pourtant autrement plus importante, plus urgente et plus complexe. Pour s’en apercevoir, il faut relire le deuxième volet du rapport du GIEC. Il a été publié en février dernier.
Les effets du changement climatique
Et pour ceux qui ne sont pas très familiers avec le vocabulaire de ce domaine, le GIEC c’est le Groupe d\’experts intergouvernemental sur l\’évolution du climat. Son travail est d’évaluer l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts. Il a été créé en 1988. Il a pour mandat d’évaluer, sans parti pris et de manière méthodique et objective, l’information scientifique, technique et socio-économique disponible en rapport avec la question du changement du climat.
Dans le deuxième volet du sixième cycle de son évaluation, le GIEC évoquait les effets, les vulnérabilités et les capacités d’adaptation à la crise climatique.
Parmi ces effets, il y en a que les experts qualifient d’«irrémédiables», c’est-à-dire que la planète les connaîtra même dans l\’hypothèse d\’une limitation de la hausse des températures à 1,5°C comme fixé dans l’accord de Paris.
Sur la liste de ces effets «irrémédiables» que vous pouvez lire sur le site Internet vie-publique.fr, il y a :
-Réduction de la disponibilité des ressources en eau et en nourriture ;
-Impact sur la santé dans toutes les régions du monde (plus grande mortalité, émergence de nouvelles maladies, développement du choléra), augmentation du stress thermique, dégradation de la qualité de l’air… ;
-Baisse de moitié des aires de répartition des espèces animales et végétales.
«D’ores et déjà, entre 3,3 et 3,6 milliards d’habitants vivent dans des situations très vulnérables au changement climatique. Les experts évoquent les incidences à venir pour les populations avec, en particulier, 1 milliard d\’habitants des régions côtières menacés en 2050», lit-on également sur «Vie publique».
Malgré cette situation si alarmante, «le monde ne s’est toujours pas mis sur la bonne trajectoire pour qu’il reste encore vivable d’ici à la fin du siècle».
«Désespérant», écrit le journal «Le Monde» dans son édito du 6 avril dernier.
On ne peut pas rien faire
L’une des manifestations les plus visibles du dérèglement climatique est la fonte des calottes glaciaires.
Une étude publiée l’année dernière sur «National Geographic» mentionnait que la fonte des glaces en Antarctique pourrait s’accélérer de façon spectaculaire vers le milieu de notre siècle. Ce qui entraînerait une hausse «rapide et imparable» des niveaux de la mer pour les centaines d’années à venir. La montée des niveaux de la mer, c’est des millions de personnes qui vont perdre leurs milieux de vie.
Dans leur livre, Édouard Philippe et Gilles Boyer confient que c’est en 2006 que leur ancien patron, Alain Juppé, revenu du Québec, va les alerter sur la question climatique.
Donc avant cela, ils faisaient partie de ceux qui (comme beaucoup d’entre nous) regardaient ailleurs…
Mais ne nous pouvons pas continuer comme cela. D’autant que le GIEC nous propose des pistes de solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Pour limiter la hausse mondiale des températures, par exemple, les experts conseillent de remplacer les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz)par des sources d\’énergie bas-carbone ou neutres(hydroélectricité, photovoltaïque, éolien).
Le GIEC estime également nécessaire de mettre en place des techniques d\’élimination du dioxyde de carbone, avec notamment la plantation d\’arbres.
Une formidable opportunité pour le Congo
L’ancien Premier ministre britannique Winston Churchill disait : «Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise». Une crise doit pouvoir nous amener à aller chercher le meilleur en nous. Et la crise climatique nous offre une formidable opportunité de changer. Trouver et expérimenter de nouvelles manières de nous déplacer, de nous chauffer, de produire, de consommer. Bref, de vivre.
Les énergies fossiles, en grande partie responsables des émissions de gaz à effet de serre, doivent pouvoir être remplacées. «Plus de 80% de l’énergie mondiale est fournie par la combustion du charbon, du pétrole et du gaz», regrettent Édouard Philippe et Gilles Boyer dans leur bouquin.
Le Congo a un énorme potentiel hydroélectrique. Le projet «Grand Inga», avec la construction de nouveaux barrages sur le site d’Inga, pourrait porter la capacité de production d’électricité à plus de 40 000 MW. Environ le double de la taille du barrage des Trois Gorges en Chine, actuellement le plus grand du monde.
L’expression «pays solution» que les officiels congolais ont trouvé pour parler des possibilités que le Congo peut apporter afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre doit désormais trouver tout son sens.
L’année passée, le ministre congolais de l’Industrie a annoncé à Jeune Afrique que la «RDC a tout pour devenir un champion des voitures électriques».
Le sous-sol du pays regorge en effet de quoi en faire un maillon essentiel dans la production des voitures électriques. J’ignore si l’avenir de la voiture est électrique. Mais l’électrique fait partie des alternatives aux énergies fossiles.
Mais comme chacun le sait, le sous-sol ne produit pas de batteries. Ni rien d’ailleurs. En tant que tels le Lithium, le Cobalt, le Nickel ne sont que des ressources naturelles. Pas de richesses. Il faut avoir la technologie et l’énergie nécessaires pour produire quelque chose avec. C’est une formidable opportunité.
L’engagement citoyen
Cependant, la question climatique ne se limite pas à ces seules considérations. Toute l’humanité est menacée. Chacun doit pouvoir faire quelque chose. Et c’est bien que des initiatives se multiplient à travers la planète pour faire évoluer les mentalités et changer les comportements.
Nos façons de produire et de consommer doivent également se conformer à ce qui doit être notre ambition commune : laisser à la prochaine génération un monde en meilleur état.
Cela passe aussi par le refus d’une consommation effrénée et toujours à la recherche des produits moins chers. Il faudrait accepter notamment d’acheter un peu plus cher des produits locaux et ne pas se jeter sur des produits bas prix venus des marchés lointains où les coûts de production sont toujours plus bas.
Au Congo, l’utilisation des sacs en plastique est interdite depuis plusieurs années déjà. Mais les habitudes ont la peau dure. Les citoyens peuvent prendre le problème à leur compte. Même si c’est plus facile à utiliser, les emballages en plastique sont un danger pour notre écosystème. Pensons les alternatives. Elles peuvent être sources d’emplois.
Car l’idée de la préservation de l’environnement ne doit pas faire peur. Il ne s’agit pas de détruire des emplois. Mais en transformer si nécessaire. Il ne s’agit pas de décroissance. Mais d’une autre forme de croissance.
Et comme le font remarquer Édouard Philippe et Giles Boyer, «il faut accepter qu’on ne puisse pas avancer aussi vite qu’on voudrait, qu’on ne puisse pas, d’un coup de baguette magique, transformer le monde. Autrement dit, il faut faire des compromis sur des sujets qui n’en souffrent aucun aux yeux des plus habitués».
L’humanité se trouve à un tournant. Elle doit en sortir plus humaine et plus heureuse. Et pas fragile et déstructurée.
Image : une marche pour le climat. Photo Jeanne Menjoulet.
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