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La fille de ma meilleure

La fille de ma meilleure

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Au lendemain de la scène au cottage de Clara, elle m’a offert «Le fabuleux et triste destin d’Ivan et d’Ivana». Je l’ai lu en une après-midi. Maryse Condé est mon écrivaine préférée.

A midi, j’en avais déjà terminé avec les clients qui avaient réservé des courses. Clara m’appelle pour que j’aille la chercher à l’école de sa fille Maelis.

Sur le trajet entre Motema Mpiko et son domicile, elle n’a rien dit. J’ai bavardé avec sa fille. Vive et intelligente, Maelis ressemble beaucoup à Clara.

Mais avant aujourd’hui, je ne m’étais jamais rendu compte que la jeune fille ne prononçait jamais le mot «maman», en s’adressant a Clara.

-Il y a ton plat dans le four. Donne rapidement ton uniforme à Kaka pour qu’elle la nettoie. Il risque de pleuvoir dans l’après-midi.

-D’accord, Clara.

Mon amie n’est pas descendue du véhicule. Elle ne semble pas être de bonne humeur. Sa fille sort du taxi, le contourne par derrière et vient m’embrasser avant de pousser sur l’énorme portail noir avec des motifs dorés qui donne accès à la parcelle.

C’est en ce moment-là que je comprends quelque chose qui m’avait échappé jusqu’ici. Maelis est tellement belle et intelligente que je me suis dit quand je l’ai vue pour la première fois : «Les lions ne font pas de chats». Ni son âge ni la distance affective qu’elle semblait mettre en permanence entre elle et Clara ne m’avaient laissé penser qu’il en fût autrement.

Clara a trente-cinq ans. Maelis en a quatorze. Certes, à vingt et un ans, une femme peut parfaitement devenir mère. Mais ma nouvelle amie ne me semble pas du genre à porter un slip après avoir enfilé son pantalon. Quand elle étudiait, elle ne faisait que cela.

-J’ai connu mon premier homme à 21 ans. J’étais à une année de la fin de mes études à la fac de Droit. Et je dois avouer que si mes copines ne m’avaient pas poussé, je ne me serais peut-être pas lancée.

Le silence de Clara pendant tout le trajet trahissait assez clairement son envie de parler. Dès que Maelis est entrée dans la maison, elle me fait savoir qu’elle me prend toute l’après-midi.

-Tu veux qu’on aille quelque part ?

-Non. Trouve un endroit calme et discret loin du centre-ville.

-Tu me fais peur-là.

-Je ne vais pas te violer, ne t’en fais pas.

-Pour être tout à fait sincère avec toi, dans cette éventualité, je ne porterais pas plainte. Je me contenterais de profiter du moment.

-Perverse, vas !

C’était la première fois qu’elle riait de la journée. J’ai pris la direction de la Tshangu sans lui annoncer où nous allions précisément.

«Elanga» est un coin un peu caché de la ville de Kinshasa. Il n’est pas très connu dans la ville. Je me demande bien si ce n’est pas fait exprès par les propriétaires. Je l’ai découvert un peu par hasard. Un soir, une cliente avait oublié son porte-monnaie dans le taxi. Le matin, quand je lavais le véhicule et remettait de l’ordre à l’arrière, je l’ai trouvé. C’est en fouillant à l’intérieur du porte-monnaie dans l’espoir de découvrir un numéro de téléphone ou une adresse que je suis tombée sur une carte de visite : «Nadège BOKETSHU. Responsable logistique et finances de l’espace ‘’ELANGA’’.»

J’ai appelé le numéro de téléphone mentionné sur la carte et une dame qui semblait sortir de son sommeil m’a accueillie très méchamment. Elle a tout de suite changé d’humeur quand j’ai annoncé la bonne nouvelle. Nous nous sommes vues. Elle m’a remercié avec tous les mots que la langue française possède pour dire merci et m’a invitée à «faire un tour à Elanga».

Elle m’a littéralement harcelée au téléphone pendant une semaine avant que je lui dise que je n’étais pas «intéressée par ce type de relation». Ce qui est faux.

Sur une surface d’environ cinquante hectares, «Elanga» offre des cottages en bois à louer en plein milieu de la nature sur la route de Ndjili Brasserie. L’ensemble donne sur la rivière Ndjili. C’est un endroit calme. J’y ai tout de suite pensé quand Clara a formulé sa requête. Et je voulais voir la tête de Nadège quand elle me verrait débarquer avec une femme.

Elle nous a bien accueillies. Souriante, prévenante, elle nous a mises à l’aise tout de suite. Quand elle referme la porte du cottage où Clara et moi avons pris place, elle me souffle à l’oreille : «je pensais que tu n’étais pas intéressée par ce type de relation». J’ai souri.

-On se met à l’extérieur ?

-Oui. La dame pense que nous sommes en couple.

-J’ai remarqué. Tu veux que je lui fasse monter la température ?

-Autant que tu le peux, oui.

Une demi-heure après, nous nous baladions bras dessus dessous le long de la rivière, pieds nus, un verre de jus à la main, décolletés sans manches et shorts blancs sur le corps. Clara avait tout prévu. La petite valise qu’elle trimbalait depuis son bureau contenait tout ce qu’il faut pour un piquenique entre copines. Mais je voyais bien qu’elle n’allait pas bien. On venait de se connaître. Elle avait sûrement un peu d’appréhension au moment de me raconter ce qui la travaillait et la rendait triste depuis un moment.

-Maelis n’est pas ma fille, finit-elle par dire quand nous nous sommes assises sur un tronc d’arbre près de la rivière.

-C’est aujourd’hui seulement que j’y ai pensé. Jusqu’ici, je ne vous trouvais que des ressemblances.

-C’est une fille très brillante. Elle le tient de sa mère.

-Tu connais donc sa mère.

-Tout à l’heure, je te disais que ce sont mes copines de la fac qui m’ont poussée dans les bras de Jack. Nous étions une bande de quatre filles inséparables. Tina était la plus belle. Elle connaissait Jack qui était un ami de son frère aîné. Leurs familles se connaissaient. Et Jack allait souvent passer ses week-ends dans la famille de Tina. Quand nous avons commencé notre liaison, on ne se voyait pas beaucoup. Il venait de quitter la fac de Polytechnique et avait trouvé un job important chez Bolloré. Le samedi était le seul jour où nous pouvions nous voir. Dimanche, j’avais beaucoup d’engagements à l’Eglise. Je n’en revenais pas avant le soir. Un samedi, on était dans son petit studio à Righini. Je voyais bien qu’il me voulait mais je m’en tenais à ce que je lui avais fait promettre : pas de sexe avant le mariage. Il a ensuite suggéré qu’on aille chez son ami, le frère de Tina. Je ne le voulais pas vraiment. Mais comme je pensais que sortir allait sûrement l’amener à penser à autre chose qu’au sexe, j’ai accepté. Nous avons passé toute l’après-midi avec Tina et son frère. Tous les trois, ils voulaient aller en boîte de nuit. Ma chorale devait chanter à la messe de 6h30. J’ai décliné. A 18 heures, je suis donc rentrée chez moi. Arrivée à la maison, je me suis souvenue que j’avais oublié mon syllabus de Droit privé et administratif chez Jack alors que j’avais examen lundi. J’ai donc fait demi-tour. Je suis rentrée chez lui. J’avais le double de la clé. Arrivée à la porte, j’ai trouvé une paire des babouches. Je les ai reconnues tout de suite. C’est des babouches faites à la main. Du vrai artisanat. Tina et moi en avions commandé du Kenya, le mois précédent. Mon sang n’a fait qu’un tour. J’ai commencé à frapper comme une folle à la porte. Ma clé ne pouvait pas ouvrir parce qu’il y avait déjà une clé à l’intérieur. Je me suis rendue chez Tina, j’ai trouvé le portail fermé à clé. Sur le chemin du retour, j’ai croisé son frère qui n’a pas su me dire où étaient son ami et sa sœur. Comme je suis une fille bien élevée, je n’ai pas fait de scandale,

-Maelis est donc la fille de…

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