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Démographie : 2050, c’est maintenant que ça se joue

Démographie : 2050, c’est maintenant que ça se joue

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J’ai été assez surpris de constater que peu de médias congolais se soient intéressés au dernier rapport sur l’état de la démographie dans le monde. Le 11 juillet, le Département des affaires économiques et sociales des Nations unies a rendu public son rapport sur l’évolution de la population mondiale.

Parmi les principales conclusions contenues dans le document, on note notamment que plus de la moitié de l\’augmentation prévue de la population mondiale jusqu\’en 2050 sera concentrée dans huit pays : République démocratique du Congo, Égypte, Éthiopie, Inde, Nigeria, Pakistan, Philippines et Tanzanie.

Les projections des Nations unies montrent ainsi que la population mondiale pourrait atteindre environ 8,5 milliards en 2030 et 9,7 milliards en 2050.

Comme celle de la Tanzanie, la population de la République démocratique du Congo devrait croître rapidement, entre 2 et 3 % par an sur la période 2022-2050.

Ce qui fait que la RDC va connaître un bond inédit de sa population en moins de trente ans. Les graphiques qui accompagnent le rapport sont assez éloquents. En 2022, les estimations indiquent que le pays compte 97 millions d’habitants. Ils seront 215 millions en 2050. La population va plus que doubler.

Le défi de la natalité

Il est assez clair que passer de près de 100 millions d’habitants à un peu plus de 200 millions change complètement la face d’un pays. Cela démultiplie les défis. Et pour un pays comme le Congo où les défis actuels sont loin de trouver des réponses intelligentes, il est étonnant que la question de la démographie n’attire pas toute l’attention qu’elle mérite.

Avant d’aller plus loin, je vais faire une mise au point : je ne fais pas partie des personnes qui trouvent en la démographie un problème. Pour moi, ça n’en est pas. C’est un défi qui peut devenir un atout formidable pour un pays comme le Congo qui a suffisamment d’espace et des ressources naturelles pour se rendre favorable l’équation de la natalité et de la production de la richesse. Car, c’est de cela qu’il est question.

Halte donc à la religion de la planification familiale érigée en dogme par les ayatollahs de la pensée rapide et de l’effort minime ! Au niveau individuel, chacun doit pouvoir faire à sa convenance, selon ses moyens et ses ambitions. Et au niveau de la communauté, on doit pouvoir créer suffisamment de richesses pour pouvoir assurer aux Congolais une vie à la hauteur de notre ambition collective.

La question n’est donc pas de savoir combien d’enfants chaque femme congolaise doit faire. Mais plutôt, au niveau individuel, est-ce que la famille dispose de suffisamment de moyens pour donner à chaque enfant les conditions de vie dignes, propices à son épanouissement ? Le Congo crée-t-il suffisamment de richesses pour financer des infrastructures et créer des emplois à la hauteur de l’évolution de sa démographie ?

 Tel est le défi que nous impose la question démographique.

Deux cents millions d’habitants pour un pays classé parmi les plus pauvres au monde, c’est énorme. Mais ce n’est pas une fatalité. Il faut juste en prendre conscience et prendre les bonnes décisions. C’est pour cette raison que j’ai été assez surpris du peu de débat suscité par la publication du rapport du Département des affaires économiques et sociales des Nations unies. Cela dit, je vous mentirais si je vous disais que j’ai confiance en la presse congolaise pour faire de la place à des sujets d’importance capitale pour l’avenir du pays.

Il n’y a pas de fatalité

Le Congo, comme plusieurs autres nations africaines, est très exposé aux chocs exogènes. Malgré son fort potentiel halieutique et agricole, le pays vit essentiellement des produits alimentaires importés.

Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour se rendre compte que vouloir nourrir 200 millions de personnes par l’importation des denrées alimentaires est un pari perdu d’avance. Il nous faut donc produire. Comme je l’ai suggéré dans un autre billet publié sur ce blog, «pour se nourrir, il faut produire».

«Des régions comme le Kasaï connaissent des taux de malnutrition élevés. Des millions de personnes ne mangent pas à leur faim. Le pays s’est mis à tout importer : pommes de terre, oignons, bananes. Par bonté, je ne parlerai pas de ces produits surgelés importés et consommés avec gourmandise dans certaines villes du pays», avais-je rappelé.

C’était en avril 2020. Deux ans après, rien n’a changé. Le Coronavirus et la guerre en Ukraine sont pourtant passés par là.

Il y a quelques jours, j’ai lu sur le site Internet du media français «Le Point» une excellente interview de Christian Yoka, directeur du département Afrique de l\’Agence française de développement (AFD). Il y parle de l\’état des économies africaines, confrontées aux récentes crises internationales.

«Entre 2000 et 2013, l\’insécurité alimentaire avait constamment reculé, mais la tendance s\’est inversée à partir de 2019-2020. En 2020, il y avait à peu près 280 à 300 millions de personnes en Afrique qui étaient considérées en sous-alimentation, ce qui représentait une augmentation de quasiment 90 millions d\’habitants par rapport à 2014. C\’est assez préoccupant. Cette situation s\’explique principalement par un manque d\’investissements, en particulier dans des zones rurales et dans le secteur de l\’agriculture. Mais pas seulement. […] Encore une fois, la guerre en Ukraine est venue amplifier ce phénomène de crise alimentaire», explique M. Yoka.

Ce que je retiens de cette interview est qu’il n’y a pas de fatalité. Non pas seulement à cause de mon tempérament personnel- je ne crois pas en la fatalité. Mais surtout parce que je suis convaincu qu’en politique, la volonté, le courage, l’intelligence et la stratégie ont toujours le dernier mot.

Ce qui est vrai pour l’alimentation l’est également pour les infrastructures, l’école, le transport, la gestion des déchets, la santé, etc.

La politique doit pouvoir servir à quelque chose : répondre de manière intelligente aux questions qui se posent au sein de la communauté.

Les enfants qui naissent aujourd’hui auront 28 ans en 2050. Où travailleront-ils ? Comment se déplaceront-ils ? Dans quelles écoles étudieront leurs enfants ? Quand ils seront malades comment se soigneront-ils ? Comment iront-ils au travail ? Comment communiqueront-ils ? Comment gèreront-ils leurs déchets ?

Ces questions et bien d’autres doivent nourrir dès à présent notre réflexion. Une stratégie doit être définie. Des décisions doivent être prises.

Quand j’étais encore plus jeune, j’entendais mon père dire à ses amis : «Tout ce que nous pouvons faire à présent, c’est de préparer un environnement meilleur pour nos enfants quand ils seront adultes». C’est raté.

Gestion rationnelle de la cité

Au cours des trente dernières années, rien de substantiel n’a été entrepris et réussi en termes de politique publique au Congo. C’est une génération perdue.

Ma génération est maintenant adulte. Si elle ne fait pas sa part, ce sera une nouvelle génération perdue. Celle qui sera adulte en 2050 héritera d’un pays en moins bon état que la nôtre. Ce sera un échec.

Car, à mon sens, le sens même de la République veut que chaque génération construise le bien-être de la suivante. Pas le sien propre.

Il y a une chose que nous devons faire dès aujourd’hui au Congo pour espérer que d’ici 2050 le pays reprenne sa marche en avant : faire confiance en la science dans la gestion de la cité. «Faire confiance en la science» ne veut pas dire : nommer des professeurs d’université, ministres. Non. Ça veut dire qu’un pays ne peut pas s’en remettre constamment en la Providence et au hasard.

La dernière fois qu’un recensement de la population a été réalisé au Congo, c’était en 1984. Le pays s’appelait Zaïre et comptait 30 millions d’habitants. Ce seul fait dit tout sur notre rapport à la science. Comment élaborer des politiques publiques efficaces sans connaître dans les détails la composition de la population du pays ?

Comment déterminer le nombre d’écoles qu’il faut construire dans les territoires de Dibaya et de Lubero ? Comment déterminer le nombre d’infirmiers dont on a besoin à Walungu ? Comment déterminer le nombre de places qu’il faut prévoir dans les prisons à construire au Kasaï et au Maniema ? Comment déterminer le nombre de salles de classes que vont compter les écoles qui seront construites à Gemena ? Comment déterminer la répartition des centres de santé au Kwilu et au Lualaba ?

La gestion rationnelle de la cité exige la prise en compte des données scientifiques dans la discussion et l’élaboration des politiques publiques. Le recensement scientifique de la population congolaise est une nécessité. Pas une option. Si nous ne le faisons pas, nous tournerons longtemps en rond, faussement rassurés par les incantations et les imprécations dont nous sommes si friands au Congo. Et les 200 millions de personnes qui vivront dans ce pays en 2050 maudiront tous les jours le Ciel de leur avoir donné des ascendants si indignes.

4 comments

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Bompese Fabrice

Faire confiance à la science pour l’élaboration des politiques publiques…je le pense aussi

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Tshilefe

Merci pour cette interpellation

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