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Édouard Philippe, penser juste et parler (écrire) clair

Édouard Philippe, penser juste et parler (écrire) clair

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J’ai beaucoup d’admiration pour Édouard Philippe. Si un jour, je me lance en politique, il sera à coup sûr un modèle. Il est réfléchi. Il pense juste et parle clair (cette expression est de lui. Mais je ne me souviens plus à qui il faisait allusion en l’utilisant).

Il parle clair. Et il écrit bien. J’aime sa plume que j’ai découverte en lisant d’abord «Dans l’ombre», un roman qu’il a coécrit avec son complice Gilles Boyer. J’ai ensuite lu «Des hommes qui lisent» que j’ai beaucoup cité dans «Le virus de la lecture».

Après son départ de Matignon en juillet 2020, il a sorti «Impressions et lignes claires» avec Gilles Boyer (encore une fois). Je conseille ce livre à ceux qui veulent se lancer en politique.

Édouard Philippe dit avoir beaucoup appris en lisant. Moi, j’ai beaucoup appris en le lisant.

«En politique, comme dans la vie en général, tout ce qui est dit n’est pas forcément pensé. Et tout ce qui est pensé n’est pas forcément dit. […] Les hommes qui gouvernent préfèrent parfois la liberté floue de l’implicite à la clarté souvent contraignante de l’explicite.» Utile leçon.

Au début du livre, Édouard Philippe et Gilles Boyer racontent l’arrivée du premier à Matignon. Les premiers contacts avec Emmanuel Macron, au lendemain du premier tour de la présidentielle de 2017.

Rencontres discrètes dont le futur Premier ministre ne peut parler avec ses proches. M. Philippe relate ainsi la «peur solitaire» :

«La trahir vous condamnerait. La partager vous exposerait au risque d’une indiscrétion qui tuerait l’idée, ou vous rendrait ridicule, ou les deux.»

Puis, la «peur paradoxale» :

«La peur de ne pas voir l’idée prospérer. Avoir peur que quelque chose arrive, et peur que ce quelque chose n’arrive pas.»

Autre leçon utile pour les apprentis politiciens : la gestion de l’imprévu.

«Rien ne se passe comme prévu. C’est une donnée de la politique qu’il faut saisir, sous peine de ne rien comprendre : rien ne se passe comme prévu, et la plus grande surprise serait désormais qu’il n’y en ait pas.»

Sous la plume d’Édouard Philippe et de Gilles Boyer, la politique n’est plus seulement cet univers sale et bête où des «brutes» sont prêtes à tout pour arriver à leur fin.

On peut faire la politique et être parfaitement cultivé. Et surtout, savoir utiliser sa culture et tout ce que la science offre pour proposer une meilleure offre politique.

Les deux auteurs ne le cachent pas, ils aiment lire :

«On apprend grâce aux hommes et par la pratique, l’expérience. Et puis, il y a l’histoire et les livres. Depuis toujours nous lisons. Et c’est en lisant des livres et en connaissant un peu son histoire que l’on peut s’approcher au mieux de ce que veut dire gouverner. En nourrissant l’imaginaire et la culture, les livres et les films alimentent la machine cachée qui pousse ceux qui aspirent à gouverner, ils donnent des références à des ambitions, du relief à des convictions et des repères à un parcours.»

Édouard Philippe et Gilles Boyer ont longtemps travaillé avec Alain Juppé, l’ancien Premier ministre français, dont ils étaient les collaborateurs.

S’il y a une leçon qu’on apprend de leur livre, ce que «gouverner est un apprentissage permanent».

Apprendre. Des hommes. Des livres. De l’histoire.

Une parole rare mais sûre

Pendant toute la crise qu’a connue récemment la France après la mort du jeune Nahel et des violences qui ont suivi, je n’ai pas souvent entendu Édouard Philippe. Alors qu’on voit bien qu’il se prépare pour la prochaine présidentielle, il ne s’est pas répandu en propos sur les plateaux de télé, les matinales de radio ou dans les colonnes des journaux.

C’est sa conception de la pratique politique :

«Ne rien faire, ne pas intervenir, ne pas réagir peut s’avérer prodigieusement utile et opportun. Et, en dépit des idées reçues, c’est souvent difficile. Il est bien difficile de ne pas répondre aux sollicitations d’un système politico-médiatique toujours plus vorace, focalisé sur l’immédiat, qui exige une prise de position sur tous les sujets à tous les instants. […] Et pourtant, dans certaines situations, il st urgent de ne rien dire et il est urgent de ne rien faire. D’attendre, de faire refroidir, d’observer, d’écouter, d’ignorer. Mais pas toujours. Et pas sur tous les sujets.»

Les violences qui ont secoué la France ces derniers jours ne viennent pas de nulle part.

Comme l’écrit si justement Xavier Alberti, «il n’y a effectivement pas de ‘’solution miracle’’, de la même manière qu’il n’y a pas de ‘’crise miracle’’ ou de ‘’catastrophe miracle’’, c’est-à-dire qui ne serait pas le fruit d’un écheveau de raisons».

La démocratie française est malade. Dans leur livre, Édouard Philippe et Gilles Boyer en parlent également :

«Insensiblement, nous en sommes venus à confondre la critique d’une décision et la mise en cause de la légitimité du décideur. Face à une décision qui déplait, on remet désormais en cause la légitimité de celui qui l’a prise».

Premier ministre, Édouard Philippe a affronté la crise des gilets jaunes.

Comme dans d’autres démocraties libérales, en France, l’excès tend à devenir la norme en toute chose.

Des démocraties où, à cause de la pression de l’opinion publique biberonnée par les réseaux sociaux et les chaînes d’info en continu, les responsables politiques ne pensent plus qu’à court terme.

«Impressions et lignes claires» met en garde contre cette tentation :

«Rien de plus tentant, dans ce domaine comme dans bien d’autres, face aux urgences d’immédiateté, que de sacrifier la préparation d’un long terme terriblement incertain aux besoins parfaitement identifiés du présent. Rien de plus tentant, et rien de plus dangereux.»

Et finalement, ce qu’Édouard Philippe et Gilles Boyer tentent de nous dire dans leur livre, ce que gouverner est une chose sérieuse. Et comme, «gouverner, c’est choisir et choisir, c’est renoncer», la question de la gouvernance est un perpétuel arbitrage :

«Arbitrer entre le souhaitable et le possible, entre l’urgent et l’essentiel, entre le symbolique et l’efficace, entre le nécessaire et l’acceptable est une des questions centrales de l’acte de gouverner.»

«Impressions et lignes claires» est sorti en 2021 aux éditions JC Lattès. J’ai adoré le lire. Procurez-vous-en ! Vous allez aimer le lire et (peut-être) aimer vous engager en politique.

Vous pouvez également vous procurer «Des hommes qui lisent». Si vous n’avez pas encore attrapé le virus de la lecture, il vous donnera envie de lire. Bonne lecture !

3 comments

comments user
Sieza Kuéla Angelique

Nous aimons énormement ta plume comme tu aimes celle de Monsieur Édouard Philippe. Tu es aussi une référence en terme d’excellence dans ton travail d’écrivain.
Merci beaucoup mon ami et encore bravo👏👏👏

    comments user
    Joël Bofengo

    Merci mon amie !

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