Debout Congolais !
Partagez maintenant sur :
Le sommeil a trop duré.
C’est la première phrase que je me suis dit ce matin en me réveillant. Nous sommes le 30 juin 2020. Il y a 60 ans jour pour jour, mon pays accédait à l’indépendance.
Le chef de l’Etat a prononcé une allocution hier soir à cette occasion. Je ne l’ai pas suivie en direct. C’est ce matin que je l’ai lue.
Le président Tshisekedi fait notamment remarquer que «le revenu moyen par habitant était de 1000 dollars américains en 1960, il est estimé à 400 dollars américains aujourd’hui» dans son pays.
Il y a six mois, c’est le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba qui révélait une statistique analogue : la RDC compte actuellement 500 entreprises industrielles contre près de 9 000 en 1960.
Il existe bien d’autres indicateurs qui permettent de comparer ces deux périodes. Je ne les évoquerai pas tous ici.
Mais ils expriment tous la même chose : au lendemain de l’indépendance, le Congo s’est endormi. Profondément.
Un sommeil collectif de toute une nation qui n’a pas compris le sens de l’indépendance.
Il ne s’agissait pas de faire partir des Belges pour les remplacer dans leurs bureaux qu’on enviait. Il ne s’agissait pas de prendre les responsabilités politiques pour répéter exactement les mêmes supplices infligés par les colons aux Congolais. Il ne s’agissait pas d’habiter les belles maisons occupées autrefois par les «blancs». Il ne s’agissait pas de prendre sa revanche sur les Belges.
Il s’agissait de prendre son destin en main pour construire une nation où chaque Congolais aura la possibilité de se construire un avenir dans le travail et l’effort.
Patrice Lumumba est revenu dessus dans son discours prononcé le jour de l’indépendance. Il a montré le chemin que le pays devrait emprunter pour que l’indépendance ne soit pas un vain mot mais le point de départ de la construction d’une nation libre et fière de ses efforts pour se hisser parmi les grandes nations de la planète.
Le héros de l’indépendance déclare entre autres :
«Je vous demande à tous d’oublier les querelles tribales qui nous épuisent et risquent de nous faire mépriser à l’étranger.»
Il ajoute :
«Je vous demande à tous de ne reculer devant aucun sacrifice pour assurer la réussite de notre grandiose entreprise.»
Il dit encore :
«Je vous demande enfin de respecter inconditionnellement la vie et les biens de vos concitoyens et des étrangers établis dans notre pays.»
Comme je l’écrivais dans un précédent billet, les querelles tribales sont devenues une composante essentielle de la vie politique du pays. Chacun se retranchant derrière sa «communauté» dès qu’il est en mauvaise posture.
Du respect de la vie de nos concitoyens, nous savons ce qu’il en est. Des milliers de Congolais ont été massacrés par leurs propres concitoyens lors des 20 dernières années.
Et du sacrifice ? Un beau mot que l’on retrouve sur toutes les lèvres dès qu’il s’agit de parler des autres et jamais de soi. La récente polémique sur les rémunérations des députés en est une illustration.
Bref, le rêve d’une nation libre, prospère et ambitieuse que caressaient les pères de l’indépendance n’est resté qu’un rêve.
Et pour cause, le pays est dans un profond sommeil.
«La meilleure façon de réaliser ses rêves est de se réveiller», disait Paul Valéry.
Si en ce jour du 60e anniversaire de l’indépendance du pays, nous prenons la peine de relire les mots de notre hymne national, nous nous rendrons compte que le titre même de ce texte nous fait injonction de nous lever, de sortir de la torpeur qui nous caractérise, de la peur qui nous enchaîne, de la paresse qui nous caractérise, de ce sommeil profond dans lequel nous sommes tombés depuis le jour de l’indépendance du pays : «Debout Congolais !».
«Par le labeur
Nous bâtirons
Un pays plus beau qu\’avant
Dans la paix.»
C’est ce que nous répétons quand nous chantons cet hymne national.
Puissions-nous en prendre conscience. Seul le travail va nous sortir de cette longue nuit où nous nous complaisons dans des rêves d’un lendemain meilleur, oubliant qu’il n’y a pas de lendemain meilleur sans un travail acharné dans le présent.
Il faut commencer tout de suite ce travail. Le sommeil a assez duré.
Pour ne plus être ce pays à qui tout le monde vient en aide même avec des sommes les plus dérisoires et ridicules, il faut gérer correctement nos finances publiques.
Pour ne plus avoir à compter par millions des enfants malnutris à travers le pays, il nous faut apprendre à produire ce que nous consommons.
Pour pouvoir donner la chance à des millions de jeunes d’avoir du travail, il nous faut accepter de nous asseoir sur des chaises faites en bois par des menuisiers congolais plutôt que celles en plastique produites à des milliers de kilomètres de notre pays. Il nous faut consommer les poules produites dans la basse-cour du voisin plutôt que des poulets surgelés. Il nous faut apprendre aux jeunes des métiers de l’artisanat pour pouvoir produire des chaussures, fabriquer du pain et produire des tissus. Il nous faut construire nos propres routes. Il faut maîtriser les techniques pour pouvoir produire de l’électricité, alimenter nos villages en eau potable et construire nos habitations. C’est cela être indépendant.
Demain, ce sera le 1er juillet, n’oublions pas de nous réveiller le matin. Le travail nous attend. Bonne fête de l’indépendance à chacun !
Illustration : Une vue de l’avenue Etienne Tshisekedi à Kananga.
5 comments