Affronter les épreuves pour tracer son chemin
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Je ne l’avais jamais écouté avant. Moi qui suis pourtant si attentif à ses textes. En fin de semaine dernière, je suis tombé sur le titre «Mental» de Grand Corps malade.
«Je n’apprends rien à personne, tu es vivant tu sais ce que c’est
Vivre c’est accepter la douleur, les échecs et les décès.
Mais c’est aussi plein de bonheur, on va le trouver en insistant
Et pour ça, faut du cœur et un mental de résistant.»
Le géant qui se rêvait en sportif s’est retrouvé en 1997, après un accident, privé d’une grande partie de sa motricité. Grand Corps malade sait de quoi il parle quand il évoque les épreuves de la vie et la force mentale qu’il faut pour les surmonter. Il est devenu slameur. Et un excellent slameur. La vie a ses détours que les meilleurs pilotes ignorent.
«La vie est aussi perverse, ce que tu désires elle l’a caché
Elle ne te le donnera pas tout cuit, va falloir le chercher.»
C’est à cela que doivent servir les épreuves dans la vie d’un homme. T’obliger à te réorienter. A changer de trottoir. A laisser tomber certaines habitudes. A te renouveler. A sortir de la commodité. A penser contre toi-même.
C’est également pour cette raison que l’épreuve est universelle. Elle frappe n’importe qui, n’importe quand (surtout lorsqu’on s’y attend le moins).
L’épreuve, analyse Xavier Alberti, est «une promesse universelle, susceptible de frapper partout, à chaque minute, l’enfant et le vieillard, le noir et le blanc, la femme et l’homme, le riche comme le pauvre».
C’est très bien ainsi.
«Y’a des tempêtes sans visages où on doit se battre contre le pire
Personne n’y échappe, Rouda c’est pas toi qui vas me contredire.
C’est l’ultime épreuve où tu affrontes la pire souffrance morale
Quand la peine rejoint l’impuissance pour la plus triste des chorales.»
Affronter. C’est le maître-mot. Ne pas se défausser. Ne pas fuir. «Affronter ce qui doit être combattu, corriger ce qui doit être amélioré et surmonter ce qui ne peut être aplani».
C’est à cela que doit nous conduire les épreuves que nous traversons. Pas à nous plaindre constamment ni à maudire la vie ou les autres ou les ancêtres.
Dans Rocky VI, il y a ce fabuleux monologue de Rocky Balboa devant son fils, lassé des moqueries des gens qui découvrent dans la presse que son père, ancien champion de boxe, va rechausser les gants et livrer un combat, trente-cinq ans après son dernier titre. Rocky le prend à part.
«C’était super de te regarder grandir. Chaque jour, c’était un privilège. Quand l’heure est venue pour toi de te prendre en main, d’affronter le monde, tu l’as fait. Et quelque part en cours de route, tu as changé. Et je ne t’ai plus reconnu. Tu as permis à des gens de venir te gueuler à la figure et te dire que tu étais nul. Et puis quand ça a été trop dur, tu t’es trouvé un responsable, une ombre qui t’empêchait d’éclore.»
Le père s’arrête un instant. Et l’ancien boxeur tel un coach de sport assène à son fils l’une de ces tirades qu’on n’oublie pas et qui ont autant de puissance d’un crochet reçu en plein estomac :
«Mais je vais te dire un truc que tu sais déjà. Le soleil, les arcs-en-ciel, ce n’est pas le monde. Il y a de vraies tempêtes, de lourdes épreuves. Aussi grand et fort que tu sois, la vie te mettra à genoux et te laissera comme ça en permanence si tu la laisses faire. Personne ne frappe aussi fort que la vie. Ce n’est pas d’être un bon cogneur qui compte, l’important est de se faire cogner et d’aller quand même de l’avant. C’est pouvoir encaisser sans jamais flancher. C’est comme cela qu’on gagne. Si tu es sûr de ce que tu veux, il faut tout essayer pour l’obtenir mais accepter aussi qu’il y ait de la casse. Au lieu de montrer le voisin du doigt en disant ‘’j’ai tout raté dans la vie à cause de lui ou d’elle ou de je-ne-sais-pas-qui’’. Ça, c’est des trucs de trouillards. Et t’en es pas un toi. Tu vaux mieux que ça.»
Rocky baisse d’un ton. Le père revient à lui et considère son fils avec un mélange de pitié et d’affection paternelle :
«Je t’aimerai toujours quoi que tu fasses comme choix. Je t’aimerai quoi qu’il se passe. Tu es mon fils, ce que j’ai de plus précieux. La meilleure chose qui me soit arrivée. Mais tant que tu ne croiras pas en toi et en tes rêves, ta vie ne sera pas une vie.»
J’ai souvent réécouté cette séquence moins pour me remotiver – je ne suis pas vraiment du genre à manquer de motivation – que pour me rappeler à moi-même qu’encaisser des coups fait partie de la vie (en donner aussi), que quoi qu’il en soit, la vie est une bataille permanente contre soi-même et qu’aller au bout de ses rêves, c’est cela vivre. Mais il faut accepter qu’il y ait de la casse.
C’est ici que les messages de Grand Corps malade et de Rocky se rejoignent.
On entend dans «Mental» :
«On vit dans un labyrinthe et y’a des pièges à chaque virage
À nous de les esquiver et de pas calculer les mirages.
Mais le destin est un farceur, on peut tomber à chaque instant
Pour l’affronter, faut du cœur et un mental de résistant.»
C’est à force d’affronter les épreuves que se dessinent notre personnalité et notre caractère. L’éducation, c’est ce que nos parents nous donnent. Le caractère, c’est ce que nous en faisons.
Dans «Bilan» de Nèg’Marrons :
«Maintenant j’comprends Ben-J que quand on était gamin
On avait le même itinéraire mais pas le même destin.»
C’est en surmontant les épreuves de la vie – sans fard, sans faux-fuyant, sans timidité mais sans désinvolture – qu’on forge son destin. Dit comme cela, ça parait commun. Mais ça ne l’est pas. Accepter la mort d’un être cher ne va pas de soi. Perdre un emploi et rester zen ne va pas de soi non plus. Rien ne nous y prépare. Ni l’école, ni la fortune. Ni l’éducation, ni le prestige.
Mais il faut passer par là. Si je n’avais pas perdu mon emploi en 2015, je n’aurais peut-être pas connu Mark. Ni l’abbé Xavier. Ni l’abbé Paulin. Ni l’abbé Apollinaire. Je n’aurais pas lancé ce blog. Et je n’aurais pas …
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