«L’homme est ce qu’il fait»
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Il est de ces phrases, mots ou concepts qu’enfants, on attendait souvent les adultes répéter. Mais qui, en grandissant, nous paraissent absurdes, incompréhensibles, voire tout simplement idiots.
«Mbula ya sika, makambu ya sika» en fait partie.
J’ignore l’origine de cet aphorisme que j’ai souvent entendu pendant mon enfance et que, par mimétisme, j’ai souvent répété. A l’école, à la maison, dans la rue, il était prononcé en début d’année, comme un appel au changement.
Changement qui serait précisément lié à cette période de l’année où chacun, ayant pris de nouvelles résolutions, veut être meilleur qu’il ne l’a été jusqu’ici.
Tentant. Mais naïve conception de la vie.
Le 1er janvier ne sera jamais rien que le lendemain du 31 décembre. Et rien ne peut se passer le 1er janvier qui n’ait été préparé, pensé ou planifié à l’avance.
Pour parler plus crûment, vous ne serez jamais le 1er janvier que vous-même, vieux d’un jour supplémentaire.
Si au 31 décembre vous étiez un employé négligent, vous le serez encore le 1er janvier.
Si au 31 décembre vous estimiez que lire des livres est ennuyant, vous serez au 1er janvier aussi inculte que la veille.
Si au 31 décembre vous étiez incapable de prendre et d’assumer des décisions sur votre propre vie, vous serez toujours un enfant en âge avancé le 1er janvier.
Si au 31 décembre vous aviez du mal à décoller votre tête de votre téléphone pour lire, faire du sport ou entretenir des conversations avec des vrais gens, vous serez toujours un «crétin digital» au 1er janvier.
Pour reprendre la formule de Xavier Alberti, «il n’y a rien à espérer de demain que nous ne serions pas capables de faire aujourd’hui».
Tel est donc le vrai défi. C’est celui de faire. AUJOURD’HUI.
Car trop souvent, nous espérons, formulons des vœux ou même prions pour des lendemains meilleurs, un «monde d’après» dont nous ne prenons pas la mesure.
«Il n’y a pas de monde d’après, il n’y a que le monde d’aujourd’hui, incertain, chaotique, violent, impermanent», écrit encore Xavier Alberti.
C’est ce monde-là qu’il nous faut changer. Par notre engagement. Par nos combats solitaires ou collectifs. Par le refus de la fatalité. Par la liberté de nos décisions et la clairvoyance de nos actions.
C’est la condition pour voir arriver un jour nouveau. C’est la condition pour devenir un homme nouveau.
Et ce n’est pas un miracle. Ce ne peut-être que le fruit d’un travail patient et permanent. Celui qui t’amène à lire tous les jours des livres plutôt qu’à scroller ton écran de téléphone. Celui qui t’amène à écouter des avis contraires aux tiens pour te remettre en question. Celui qui te conduit à prendre du temps, seul avec toi-même, pour penser, pour te questionner, pour t’ennuyer. Loin des écrans et de leur effet anesthésiant.
«L’homme est ce qu’il fait»
Dans la célèbre phrase d’André Malraux, «l’homme est ce qu’il fait», il y a l’idée que ce sont nos actes, les plus souvent répétés, qui nous définissent plus que tout autre chose.
Car, comme je l’ai écrit dans «Être utile à demain», c’est dans l’action que l’être humain se révèle. Qu’il découvre autant qu’il se découvre. Qu’il crée autant qu’il se crée.
C’est aussi dans l’action qu’il se réalise et qu’il réalise la mission qui est la sienne, celle de transformer le monde qu’il a reçu en héritage de ses ascendants.
Agir donc pour poursuivre le travail jamais achevé de la création.
Telle est la mission de l’homme, être fragile au milieu d’une nature souvent hostile. Parfois accueillante. Mais toujours disposée à accompagner l’être humain pour peu que celui-ci prenne la peine de l’écouter et de respecter son rythme.
Si l’homme doit agir constamment pour transformer son environnement afin de le rendre viable pour lui et pour les générations futures, il ne doit le faire que de manière raisonnée.
«Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action», écrit Henry Bergson.
Penser pour faire le pas de côté, et prendre de la distance par rapport à l’immédiat toujours tyrannique. Penser pour mesurer les conséquences de ses actes sur les générations futures. Penser pour préserver la nature de nos excès.
C’est pour cette raison que réfléchir et agir ne doivent jamais être dissociés. La pensée et l’action, comme l’ordre et le mouvement, la liberté et la responsabilité, doivent procéder du même élan. Celui qui inspire l’esprit et motive le corps.
Mais seulement, voilà. Comme l’histoire de l’humanité ne cesse de nous le montrer, l’homme est autant capable du pire que du meilleur. Il est capable de vaincre des maladies considérées longtemps comme des malédictions divines. Mais il est également capable de déclencher des guerres mondiales.
C’est l’histoire du vieil homme qui initie son petit-fils à la vie.
«Une lutte est en cours à l’intérieur de moi, dit-il au petit enfant. C’est une lutte terrible entre deux loups.»
«L’un est plein d’envie, de colère, d’avarice, d’arrogance, de ressentiment, de mensonge, de supériorité, de fausse fierté. L’autre est bon, il est paisible, heureux, serein, humble, généreux, vrai, rempli de compassion. Cette lutte a aussi lieu en toi, mon enfant et en chaque personne.»
Le petit garçon réfléchit un moment et demande à son grand-père : «Lequel de ces deux loups va gagner ?»
Le vieil homme lui répond : «Celui que tu nourris».
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