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Faites reculer l’ignorance. Bonne année 2024 !

Faites reculer l’ignorance. Bonne année 2024 !

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Dans le grand tourbillon de l’actualité, nous sommes souvent absorbés par les nouvelles les plus tragiques, les plus spectaculaires ou les plus insolites. Et c’est normal.

Apprendre que des terroristes ont tué 1 200 personnes civiles en vingt-quatre heures choque tout être humain.

Découvrir des bombardements aveugles d’une armée puissante contre un territoire exigu à la densité humaine élevée arrache des larmes à toute âme humaine.

Écouter les témoignages des personnes contraintes de fuir leurs domiciles à cause de l’activisme d’un groupe rebelle pour trouver refuge dans des abris de fortune, exposées au froid et à la faim tourmente tout esprit normalement constitué.

Autant l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, la réaction disproportionnée de l’armée israélienne, les violences au Soudan et les déplacements forcés des Congolais exposés à la violence du M23 m’ont marqué cette année, autant mon esprit a été plus attristé par d’autres nouvelles qui ont moins fait la Une de l’actualité mais qui, à mon sens, dessine le monde de demain. Celui que nous redoutons ou appréhendons sans jamais y mettre des mots. Craignant que la réalité ait déjà dépassé nos appréhensions. Et surtout conscients que nous y avons notre part. Si pas active. Mais au moins passive.

Les dernières élections au Congo ont mis en lumière – comme c’est de plus en plus le cas en période électorale – notre nouvelle propension à répéter des contre-vérités, sans jamais essayer de nous interroger sur leur véracité. J’en ai déjà parlé ici dans un autre billet.

On a vite compris que la question de la nationalité allait être au cœur de la campagne électorale. Pas les programmes des candidats à la présidentielle. Ce qui ne surprend personne quand on connaît le désert intellectuel qui caractérise les entourages des responsables politiques congolais. Mais je ne m’y attarderai pas ici.

Comme je le fais souvent, j’ai passé toute la période de la campagne électorale à interroger de nombreuses personnes sur leurs choix. Sans leur demander pour qui ils allaient voter, j’ai tenu à comprendre ce qui allait motiver leur choix. Motards, personnel d’entretien, femme de ménages, coach de sport, serveurs de restaurant, collègues, amis, etc.

Je vous avoue avoir été quelque peu choqué de me voir répondre que tel ou tel autre candidat ne méritait pas d’être élu parce qu’étant ou Rwandais ou Burundais ou Zambien ou Camerounais ou «Juif» – au passage, j’ai appris que certains de mes compatriotes pensent que «Juif» est une nationalité, comme certains responsables politiques français demandent quelque fois aux Musulmans de «rentrer chez eux».

Peut-être que ces personnes avaient des informations que je n’ai pas. Mais quand il a fallu qu’elles m’expliquent comment elles ont appris la nationalité – cachée – de ces candidats, je me suis vu répondre que je n’avais qu’à aller suivre ce qui se dit sur les réseaux sociaux.

Pour résumer, elles ont pris pour acquis des informations sur la seule base des conversations entendues ou lues sur les réseaux sociaux.

La crédulité. Voilà le premier danger.

Au mois d’avril de cette année, l’Institut français d’opinion publique (IFOP) a publié une étude révélant que 35% des Français déclarent croire aux théories du complot.

On y apprend notamment que 33% des Français croient que le gouvernement américain était au courant des projets d’attentats du 11 septembre 2001 et qu’il n’a donc rien fait pour les arrêter.

France Info qui a relayé l’étude renseigne également que «concernant les images de l\’alunissage d\’Apollo 11 et les premiers pas sur la Lune de Neil Armstrong, 16% des Français pensent qu\’elles sont le fruit d\’une mise en scène. Les théories du complot plus récentes sont aussi beaucoup reprises : ainsi 20% pensent que le massacre de civils à Boutcha était une mise en scène des autorités ukrainiennes».

Dans une autre étude réalisée aux Pays-Bas, on apprend qu’un quart des jeunes estime que la Shoah est un «mythe» ou un «récit exagéré».

«Plus de la moitié (54 %) des Néerlandais ignorent que la Shoah a fait six millions de victimes. Un tiers des 25-35 ans dit ignorer qu’Anne Frank, dont le journal est une œuvre mondialement célèbre, est morte dans un camp de concentration nazi», résume le journal «Le Monde».

L’ignorance. Voilà le deuxième danger.

La modernité en Occident a pour principal pilier la primauté de la science sur les croyances, de la connaissance sur l\’ignorance. Nous assistons – impuissants – à l’effondrement de ce pilier. Au rétrécissement du champ du discours rationnel.

Désormais on peut tout dire avec l’effronterie que permet l’ignorance. Soutenir toute sorte de théories sans jamais avoir à argumenter et à démontrer. C’est cela la principale menace à notre civilisation.

L’ignorance et la crédulité constituent ce dangereux attelage qui conduit notre civilisation à toute vitesse, droit dans l’abime.

Et nous n’y sommes pas pour rien.

Combien sommes-nous à lire des ouvrages d’histoire, de géographie, de sociologie, de philosophie, de critique d’art ?

Combien sommes-nous à nous intéresser à l’histoire de la pensée et des idées ?

Combien sommes-nous à être convaincus que la science exige rigueur et méthode ?

Combien sommes-nous à faire preuve de doute méthodique, à questionner ce qui est présenté comme évident, à demander des preuves des affirmations gratuites ?

Je vous souhaite de tâcher de répondre à ces questions en ces derniers jours de l’année. Peut-être que de leurs réponses sortiront de bonnes résolutions pour la nouvelle année.

Mais si malgré tout, vous n’en trouvez pas, je vous suggère quelques résolutions :

-Soyez incrédules, exigez preuves et démonstrations !

-Soyez curieux, lisez !

-Soyez humbles, apprenez !

Bonne année 2024 !

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