Ils ne sont pas nombreux les responsables politiques congolais (ou zaïrois) qui prennent la peine de raconter dans un livre ce qu’a été leur action politique. Et c’est bien dommage ! Car au-delà de son action, l’opinion publique attend aussi d’un responsable politique (et plus globalement de toute personne publique) sa version de l’histoire. Pourquoi a-t-il pris telle décision plutôt que telle autre ? Pourquoi a-t-il fait un tel choix plutôt qu’un autre ?
Et c’est bien pour connaître «sa» vérité que j’ai lu «A l’ombre du Léopard»* du professeur Félix Vunduawe te Pemako, ancien directeur de cabinet du président Mobutu.
Hormis son juridisme (exagéré à mon goût), le bouquin d’environ 500 pages est facile d’accès.
Dès les premières pages du livre, Félix Vunduawe affirme rejeter la tendance des «mobutistes sectaires et zélés» consistant à justifier à tout prix l’action du Maréchal Mobutu.
J’en attendais plus
A-t-il réussi à éviter ce piège ?
Dans son livre, Vunduawe ne s’interdit pas de critiquer son ancien patron.
Lorsqu’il parle des signes qui ont marqué la fin du règne de Mobutu, l’auteur évoque notamment le règne de l’impunité. Vunduawe regrette que l’ancien président n’ait pas puni ses collaborateurs qui ont versé dans les détournements des fonds publics. Il rappelle que l’affaire des «vrais faux nouveaux Zaïre» n’a donné lieu à aucune suite. Des faux billets de 50, 100 et 500 nouveaux Zaïre ont été injectés illégalement dans le circuit monétaire du Zaïre.
Idem pour les «grades nzombo-le-soir». Ces grades qui auraient été accordés à des officiers proches du régime sans prendre en compte les mérites de chacun.
Sur les questions plus politiques, Vunduawe fustige notamment la gestion de la fin du règne Mobutu qui, selon l’auteur, ne s’est pas donné les moyens d’une sortie «honorable». Il dénonce ainsi la décision prise en décembre 1996 de maintenir Léon Kengo comme Premier ministre du pays alors que les troupes de l’AFDL avancent dans leur conquête.
S’il n’épargne pas le président Mobutu et son pouvoir décadent, Vunduawe ne formule pas à proprement parler de critiques au sujet de la construction du pouvoir autocratique qui a caractérisé le règne du Vieux Léopard.
C’est finalement plus en professeur de droit qu’il parle des modifications de la constitution qui ont fait du MPR un «parti-Etat» et de son président, le «président, de droit, de la République» du Zaïre.
Un certain juridisme semble l’emporter sur l’explication politique des crises qui sont relatées dans le livre.
Le cas Kengo
Certes, la déliquescence de l’armée est évoquée avec moult détails et appuyée par des anecdotes.
Certes, il est question dans le livre des atermoiements de l’opposition, des volte-face de Mobutu. Mais le bouquin laisse un goût d’inachevé.
On en attendait plus de l’un des plus proches collaborateurs du président Mobutu.
De l’ancien directeur de cabinet du Maréchal, on attendait également plus de sévérité dans le jugement qu’il porte sur la gouvernance de son ancien patron. Au moins autant de sévérité que vis-à-vis de Kengo.
L’ancien Premier ministre de Mobutu en prend pour son grade tout au long du livre. Vunduawe rappelle les débuts de son différend avec Léon Kengo. Le moins que l’on peut en dire est que les deux hommes ne s’appréciaient pas beaucoup (je prends la précaution d’utiliser le passé, ignorant l’état de leur relation actuellement).
Dans son livre, Vunduawe égratigne le clan des «Ngbandi blancs du trio SBK» composé de Seti Yale, Bemba et Kengo qui auraient eu une mauvaise influence sur le chef de l’État. Il reproche notamment à Mobutu d’être devenu le «pion» de la «mafia» du clan «Kengo».
L’auteur affirme également- sans apporter plus de preuves- que Kengo était le vrai responsable de plusieurs décisions prises par Mobutu.
Un livre intéressant
Même s’il m’a laissé un goût d’inachevé, «A l’ombre du Léopard» n’est pas dénué de tout intérêt. Loin s’en faut. On y apprend beaucoup de choses. Les querelles dans le sillage de Mobutu. Les hésitations, les retournements, les caprices d’un chef d’État qui, au fil des années, a fini par se convaincre qu’il était «une incarnation du Zaïre».
«C’est pourquoi il s’est toujours considéré comme le chef de l’État à vie», analyse Vunduawe.
C’est aussi de ce président-là qui a «cru que la démocratie» est un «cadeau gratuit de monarque éclairé» qu’il est question dans le livre.
Et l’auteur ne cache pas sa déception de voir ce «monarque» reculer face aux pressions de son clan (sur la question de la décentralisation) ou céder à des calculs politiciens (sur la question des nationalités au Kivu).
Ce livre est surtout intéressant parce que son auteur raconte comment il a vécu de l’intérieur le système Mobutu. Nul besoin de vous dire que chacun est libre d’en penser ce qu’il veut.
Mais le mérite du livre réside sur le fait qu’il donne le point de vue d’une personne qui a connu et fréquenté le président Mobutu de près. Il a été l’un de ses plus proches collaborateurs. Ce que relate le livre n’est ni une parole d’évangile ni à proprement parler une vérité historique. Ce sont des analyses, des points de vue et des affirmations qui méritent d’être débattus et, au besoin, contredits. Ce sont aussi des anecdotes qu’il ne serait pas inintéressant de faire vérifier auprès d’autres «Mouvanciers» (quand j’étais enfant, c’est par ce mot que j’entendais les adultes désigner les collaborateurs du président Mobutu).
Si la plupart des responsables politiques congolais (zaïrois) en faisaient autant, le débat public dans le pays s’en trouverait fort relevé.
*«A l’ombre du Léopard» a été publié en 2000, aux éditions Zaïre libre.
Merci d’avoir partagé ce résumé avec tes lecteurs. Une invite à des débats, des recherches et analyses plus approfondis sur le vécu de ce grand chef d’Etat.
Félicitations mon ami.
Beaucoup de courage et bravo pour ton beau travail.👌👌
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Merci pour tes encouragements, mon amie.
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