J’ai été globalement déçu de la couverture du décès de Verckys Kiamuangana dans la presse congolaise. J’ai découvert peu de choses sur cet artiste en lisant la presse depuis l’annonce de sa disparition le 13 octobre dernier à Kinshasa.
Saxophoniste, Verckys était également un chef d’orchestre et un producteur de musique. A une époque où la musique n’était pas encore le business qui rapporte des sommes d’argent que l’on connaît aujourd’hui, «Vévé» fait figure de visionnaire.
En 1972, il lance son propre label «Édition Vévé» et ouvre un studio d’enregistrement à Kinshasa. A l’ACP, le professeur Antoine Manda Tchebwa – qui a longtemps animé l’émission «Karibu variétés» sur la télé publique congolaise – a fait savoir que «Vévé» a contribué à la promotion de plusieurs artistes musiciens. Il cite notamment des groupes comme «Bela-Bela» des frères Soki, «Lipua-Lipua» avec Nyboma et Pépé Kale, «Isifi Lokole», «Victoria Eleison» du King Kester Emeneya ou même «Antichoc» du «grand-père» Bozi Boziana.
Sur le site Internet de Radio Okapi, j’ai également lu que «Senza», l’un de tous premiers titres de Koffi Olomide, chanté en collaboration avec Papa Wemba et Kester Emeneya, a été enregistré dans le studio de Verkys.
Mais ce sera à peu près tout ce que j’ai lu au sujet de la casquette «businessman» du saxophoniste. Comment cette idée lui est-elle venue ? Où a-t-il trouvé les fonds ?
«Wazola Nzimbu» comme l’avait surnommé Kester Emeneya avait plusieurs vies. Comment les menait-il ?
L’artiste savait également faire scandale. En 1979, il est excommunié de l’église catholique après la sortie de sa chanson «Nako mitunaka». Dans le titre, il s’adresse à Dieu et lui demande notamment d’où vient la race noire.
«Poso moyindo ewuta nde wapi ?
Koko na biso ya kala ye nani ?
Jezu muana Nzambe ye nde mondele.
Adamu na Eva bango nde mindele.
Ba santu nionso bango mpe mindele.
Pona nini ? »
Sur ça aussi, je n’aurai pas tout ce que j’aurais bien voulu savoir. Comment a-t-il vécu son excommunication ? Et sa foi ? A-t-il continué à vivre sa foi catholique ?
Développer le savoir
Les remarques que je formule ici, je les exprimais déjà en petit comité lors du décès, l’année dernière, du «Général» Defao. Peu de contenus en profondeur ont été proposés dans la presse pour donner à voir et à comprendre au public.
Il s’agit pourtant là des figures majeures de la musique congolaise.
Mais ce constat s’étend également aux personnalités politiques et économiques.
La presse congolaise éprouve une certaine difficulté à «donner vie aux morts». Car pour moi, c’est de cela qu’il s’agit. Revenir en longueur sur la vie d’un sportif de haut niveau, d’un homme politique de premier plan, d’un entrepreneur de grand talent, d’un artiste décédé, c’est lui redonner un peu vie. L’instant d’une lecture. Permettre aux vivants de comprendre ses choix, d’interpréter ses caprices, ses colères, de découvrir ses drames personnels. Et peut-être de découvrir l’homme qui se cachait derrière la personnalité publique.
Mais faire ce travail nécessite la mise en commun dans toutes les intelligences pour raconter l’histoire collective d’une nation à travers les histoires particulières des uns et des autres.
J’ai découvert Laurent Delahousse dans le magazine «Un jour, un destin» diffusé sur France 2, puis France 3. Claude François, Brigitte Bardot, Jacques Chirac, Bernard Tapie, Alain Bashung, François Mitterrand, Lino Ventura, Françoise Giroud, Patrick Poivre d’Arvor. La liste est longue, de ces personnalités que j’ai mieux connues grâce à cette émission de télé. Par admiration, par curiosité, par fascination, j’ai voulu en savoir un peu plus sur chacune de ces personnalités. Ce programme de télé m’a ouvert une fenêtre. La lecture m’a permis d’avoir une meilleure vue de la rue.
Mais réaliser un tel programme, comme rédiger des excellents portraits pour la presse, nécessite un travail qui dépasse celui du seul journaliste.
La littérature sur les personnalités marquantes de l’histoire du Congo n’est pas très abondante. Et une bonne partie vient des plumes étrangères.
La faute à qui ? Beuh à tout le monde.
Peu de personnalités politiques congolaises, par exemple, rédigent des mémoires. C’est problématique pour la postérité. Certes, il faut prendre les mémoires pour ce qu’elles sont. Le récit d’une vie par son auteur. Mais il permet de comprendre, d’interpréter, de nuancer, d’éclairer. C’est une version de l’histoire. Subjective, peut-être. Nécessaire, évidemment. Je ne cache pas ma joie de voir ces dernières années les politiques congolais rédiger leurs mémoires. C’est un travail important.
Et les biographies. Je ne compte pas le nombre de biographies (autorisées ou non) consacrées à Jacques Chirac que j’ai dévorées. C’est vrai que j’aimais bien le bonhomme. Mais j’aurais bien voulu en lire autant sur Gizenga, Joseph Kabila, Simon Kimbangu, Albert Yuma, Pierre Mulele, Jeannot Bemba, Moïse Tshombe, Félix Malu wa Kalenga, etc.
Et les «interviews-testaments». Je n’aime pas cette expression. Je la trouve fausse. Elle n’est employée qu’une fois la personnalité décédée. En fait, il s’agit de la dernière grande interview accordée par une personnalité qui revient sur sa vie. La parole des personnalités publiques au soir de leur vie est plutôt rare au Congo. Les journalistes devraient insister davantage pour l’obtenir.
J’ajouterai sur cette liste les encyclopédies, les «dictionnaire amoureux», les contributions honnêtes sur Wikipédia, etc.
L’objectif de tout ceci est de construire une connaissance commune, la plus élargie possible. Journalistes politiques, historiens, écrivains. Tous ceux qui le peuvent, devraient s’y mettre.
La société en sortira tous les jours plus intelligente et moins abreuvée à la rumeur et aux racontars de bistrots.
Le Congo a grand besoin que la connaissance avance et que l’ignorance recule. Et sur ce point, nous sommes tous acteurs. Moi, y compris…
Aujourd’hui, j’ai entendu Reddy Amisi dire que le prénom chrétien de Verkys était Georges. Et le journaliste découvrait en même temps que moi. J’ai tout de suite pensé à ce billet .
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Et merci de partager cela avec nous. Je l’ignorais.
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